House of the Dragon : le spin-off de Game of Thrones est un spectacle grandiose, mais encore un peu tiède

Publié le par Delphine Rivet,

© HBO

La série tant attendue, tirée de l’imaginaire fertile de George R. R. Martin, va devoir sortir davantage les griffes pour soutenir la comparaison avec son aînée.

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Toutes les familles représentées dans la série Game of Thrones étaient particulièrement tordues et chacune mériterait son propre show. Mais l’une d’elles avait ce petit supplément de magnétisme. Étaient-ce les longs cheveux presque blancs de ses membres, leur capacité à chevaucher des dragons ou le fait que la folie soit si notable dans ses rangs, au point de se retrouver sur le trône le plus convoité des sept royaumes ? Les Targaryen fascinent, et House of the Dragon a l’ambition de nous faire remonter leur arbre généalogique, bien avant l’ère de Daenerys (environ 200 ans), pour suivre la naissance d’une nouvelle égérie : Rhaenyra (d’abord jouée par Milly Alcock, puis remplacée à mi-saison, à mesure qu’elle devient plus mature, par Emma D’Arcy).

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Celle qui souffre, depuis sa naissance, de n’être qu’une “fille de”, va devoir la jouer fine dans le grand jeu de la succession. Elle est en effet l’aînée de Viserys (Paddy Considine), qui lui-même a damé le pion à sa cousine, Rhaenys (Eve Best), pourtant née avant lui et petite-fille de son prédécesseur Jaehaerys. L’héritage de Rhaenyra, parce qu’elle a eu le malheur de naître femme, est aussi menacé par son cousin, Daemon (Matt Smith). Mais ce dernier étant relativement ingérable, les règles pourraient être changées en faveur de la princesse…

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Nous n’en dirons pas plus sur les intrigues qui composent les cinq premiers épisodes que nous avons pu voir, en amont du lancement de cette saison 1 de House of the Dragon, ce 22 août sur OCS. C’est peu de dire que l’attente est grande. De mémoire de critique, on n’a jamais revu un tel engouement pour une série depuis le final de Game of Thrones. Tout le monde était au rendez-vous, tout le monde avait un avis (et il était souvent tranché), et tout le monde était triste, voire en colère, de quitter Westeros. La perspective de remettre les pieds sur ce continent est donc plus que réjouissante.

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On savait déjà qu’HBO avait sorti le carnet de chèques. Impossible, vu l’excitation que ce spin-off suscite, de ne pas mettre les moyens. Vingt millions par épisode, c’est ce que le studio a déboursé pour faire revivre ses dragons et son monde médiéval fictif. Pourtant, malgré la somme investie, ce n’est pas la débauche visuelle qu’on espérait. Tout est bien sûr très beau, bien produit, avec ce souci du détail qui caractérisait déjà Game of Thrones, mais, paradoxalement, les effets spéciaux numériques ont du mal à se faire oublier, rendant l’ensemble un peu trop artificiel pour que l’immersion fonctionne parfaitement. Les CGI ont eu beau évoluer en dix ans, les dragons de Game of Thrones semblaient davantage faits de chair, d’os et d’écailles que ceux de Rhaenyra et Daemon.

Si Game of Thrones, sous son enrobage de violence, de sexe et de magie, a beaucoup emprunté aux soap operas (et ce n’est pas un gros mot !), House of the Dragon embrasse encore un peu plus ce genre. Son histoire tient, à ce stade, essentiellement à des intrigues de cour. Visualisez la série Les Tudors, mais en beaucoup plus fin et classieux. Il faudra peut-être prendre des notes ou vous armer d’un guide pour pénétrer les arcanes de ses guerres intestines. House of the Dragon réclame un public captif, et captivé, et, sans connaissances accrues de l’univers qui la porte, il est parfois facile de s’y perdre.

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D’un point de vue narratif, elle n’a pas eu l’impact que sa grande sœur a laissé dans nos mémoires. Peut-être lui faudra-t-il plus de temps et de finesse pour se faire une place. Elle est aussi, il faut bien le dire, le produit de son époque. Game of Thrones nous a échaudés sur bien des aspects, du gore le plus décadent aux scènes de violences sexuelles filmées sans la moindre distance, ni la moindre remise en question, dans le seul but de titiller l’imaginaire masculin. Alors, House of the Dragon a pris ses précautions. Et elle essaye aussi de nous montrer qu’elle a compris la leçon. Sauf que le résultat est un peu tiède. Comme si, lorsqu’on demandait à un homme d’écrire son histoire sans y mettre de viols pour faire avancer ses personnages, elle y perdait tout son piment.

En l’occurrence, dans le cas présent, ce sont encore deux hommes, Ryan J. Condal et Miguel Sapochnik, à qui l’on a confié l’écriture. Non, ce qu’il manque à House of the Dragon, pour l’instant, c’est la cruauté (non pas visuelle, mais psychologique) et un peu plus de mordant. Le fait que cette famille Targaryen, qui pourtant se dispute le trône, ne se voue pas une haine viscérale, voire se porte de l’affection par moments… Nos heures de visionnage de Game of Thrones ne nous y avaient pas préparés, mais on salue cette approche. Cette dernière avait d’ailleurs fait de la place des femmes, puissantes, dans son intrigue, un leurre qui avait alimenté de nombreux débats. Ici, House of the Dragon affiche clairement son positionnement dès le premier épisode : c’est à Rhaenyra, spoliée dès la naissance à cause de son genre, tout comme Rhaenys avant elle, que l’on va s’intéresser.

On reste encore un peu sur notre faim, mais le cast parvient à lever pas mal d’appréhensions. Matt Smith est vénéneux dans la peau du mal aimé et manipulateur Daemon, et la froideur de Milly Alcock laisse deviner une colère intérieure qu’il sera jouissif de voir exploser. On émet un peu plus de réserves sur le jeu, pas toujours très subtil, de Paddy Considine, mais le reste des acteurs et actrices qui peuplent la série est globalement à la hauteur de la tâche qui leur incombe. Et, même si les showrunners avaient juré qu’ils n’étaient pas là pour le fan-service, les mordu·e·s de Game of Thrones retrouveront, en une poignée d’épisodes, les lieux qui les ont tant fait voyager. Autre élément familier de ce spin-off, le générique de Ramin Djawadi, réduit à son plus simple appareil et accompagnant, non plus carte animée du monde de la série, mais le sceau des Targaryen avec ses trois dragons.

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Il ne fait aucun doute que le public sera conquis par House of the Dragon, mais la série doit encore faire ses preuves et nous montrer qu’elle est capable de laisser une trace aussi indélébile que son aînée. Un challenge de taille, mais on a envie d’y croire.