Cette semaine, la vénérable cérémonie des Golden Globes a dévoilé la liste des films et séries nommés pour sa 78e édition, qui se tiendra le 28 février 2021 lors d’une soirée virtuelle animée par Tina Fey et Amy Poehler.
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Comme chaque année, personne n’est d’accord sur les séries retenues, mais deux choix en particulier ont choqué autant les expert·e·s que les fans ou les personnes qui travaillent dans ce milieu : la présence de la très légère Emily in Paris, populaire sur Netflix et qui surfe allègrement sur des clichés éculés, et l’absence d’une série qui se trouve être son exact opposé : I May Destroy You. Énorme choc de l’année 2020, la série de et avec Michaela Coel raconte le viol, le traumatisme et la reconstruction d’une jeune femme d’une manière puissante et novatrice, autant sur la forme que sur le fond. Pourtant, cette fiction révolutionnaire, qui restera dans l’histoire des séries, tout comme sa showrunneuse, ne sera jamais récompensée d’un Golden Globe. Voilà qui est juste révoltant.
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De nombreuses personnes ont dénoncé sur Twitter cette injustice flagrante, mais la réponse la plus symbolique reste celle d’une scénariste d’Emily in Paris justement. À l’annonce des nominations, Deborah Copaken a posté un tweet de soutien spontané.
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“Chère Michaela Coel, je suis une des scénaristes d’Emily in Paris, mais ta série est devenue ma préférée de tous les temps, et ce qui se passe est injuste. J’ai adoré I MAY DESTROY YOU et je te remercie, personnellement, de nous avoir offert ton cœur, ton esprit, ta résilience et ton humour.”
Contactée par le média The Guardian, Deborah Copaken a eu l’occasion de développer sa pensée dans un texte publié le 3 février. Heureuse et très surprise que sa série Emily in Paris fasse partie des nommées aux Golden Globes cette année (elle est consciente de son contenu), elle insiste sur la qualité de l’audacieuse série de Michaela Coel, l’une des showrunneuses les plus marquantes de sa génération.
“I May Destroy You n’a pas seulement été ma série préférée de 2020. C’est ma série préférée de tous les temps. Elle explore les problématiques complexes liées au viol – je suis une survivante d’agression sexuelle moi-même – en y insufflant son cœur, humour, pathos et une histoire si bien construite que j’ai dû la visionner deux fois pour comprendre comment Coel avait fait ça.”
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Revenant sur le manque de diversité au sein des faiseur·se·s d’histoires (“91 % des showrunners sont blancs et 80 % d’entre eux sont des hommes”), Deborah Copaken en appelle également à juger les séries sur leurs qualités artistiques. Et clairement, I May Destroy You méritait plusieurs Golden Globes. “Oui, nous avons besoin que l’art se fasse le reflet de toutes nos couleurs, pas seulement certaines. Mais nous devons aussi récompenser les séries (et la musique, les films, les pièces de théâtre et les comédies musicales) qui le méritent, quelle que soit la couleur de la peau de leurs créateur·ice·s.”
Malheureusement, il semblerait bien que même en 2021, ce ne soit pas le cas. Au-delà du cas de I May Destroy You, plusieurs autres séries et performances éclatantes de cette année, snobées par les 93 membres de l’Hollywood Foreign Press Association, ont un point commun : les talents en question sont afro-américains ou racisés.
Nous avons en effet été plusieurs, dont le site EW, à pointer du doigt les absences d’Uzo Aduba, fantastique Shirley Chisholm dans la série Mrs. America qui retrace le mouvement féministe américain des années 1970, de Jonathan Majors et Jurnee Smollett sur qui reposent l’excellente et étonnante Lovecraft Country (par ailleurs nommée dans la catégorie Meilleure série dramatique). Des séries bien meilleures qu’Emily in Paris – comme Never I Have Ever de Mindy Kaling ou le drama P-Valley de Katori Hall – ont été écartées de la compétition. Ce qui pose une question : la belle promesse de ne récompenser que le meilleur des séries, sans prendre en compte les biais des membres du jury, peut-être vraiment être tenue ?
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“Si vous ne pensez pas que la suprématie blanche existe, sachez qu’Emily in Paris est nommée aux Golden Globes.”
Espérons que cette levée de boucliers, qui n’est pas sans rappeler les colères de ces dernières années aux Oscars ou Grammy, dont certaines éditions étaient “so white”, poussera les membres de la Hollywood Foreign Press Association à s’interroger sur leurs critères de sélection. En attendant, les SAGS Awards 2021, qui récompensent les meilleures performances des acteur·ice·s côté séries ont, eux, pensé à Michaela Coel. Une mince consolation.
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