Vous l’attendiez avec impatience : Dix pour cent est de retour sur France 2 à compter de ce mercredi 19 avril pour une saison 2. L’occasion de parler féminisme et process de création avec Fanny Herrero.
Publicité
La saison 2 de Dix pour cent arrive un an et demi après la première, à une époque où le timing entre deux saisons a tendance à se réduire…
Publicité
C’était calé comme ça. La première saison a été diffusée en octobre sur France 2 et on avait déjà commencé à écrire. Mais ce moment était assez fébrile, car on attendait le couperet des audiences. On commençait le travail, mais on avait peur que la série ne soit pas reconduite. Après, c’est allé assez vite.
Il n’y a que six épisodes sur Dix pour cent, mais notre spécificité, c’est de faire venir des stars du cinéma qui ont des plannings très compliqués à gérer. Ça prend beaucoup de temps pour avoir leur accord. Par rapport à une série avec des acteurs récurrents, on prend 3-4 mois pour aller chercher nos stars. Il faut pour cela avoir des versions dialoguées très abouties pour les convaincre. Il y a un jeu d’aller-retour, on retravaille les textes… On est donc une série un peu plus lente que les autres. On a décidé qu’on allait l’assumer, ça ne sert à rien de se flageller [rires, ndlr] ! La saison 3 est déjà en cours d’écriture.
Publicité
J’imagine que le monde du cinéma a regardé attentivement la saison 1 de Dix pour cent. Est-ce que sur cette deuxième saison, vous avez eu plus de facilité à recruter les guests ?
Oui, ça a été vraiment beaucoup plus facile. C’est toujours un casse-tête chinois de trouver le bon créneau pour les faire venir, mais, sur le principe, on avait cette fois avec nous le succès publique et critique de la série. Ça a ouvert plein de portes. Certaines personnes se sont manifestées. Bon après, entre le moment où la personne est intéressée et où elle dit vraiment oui, il y a un laps de temps et de travail non négligeable. Mais on sentait un état d’esprit vraiment différent.
En saison 1, on était pétris de stress. On avait l’impression qu’on n’arriverait jamais à pourvoir les rôles. Là, c’était beaucoup plus naturel, spontané, simple et joyeux. Ils savaient qu’ils pouvaient nous faire confiance, qu’on n’allait pas les emmener dans un traquenard, ou tomber dans le vulgaire ou le cheap.
Publicité
Les guests dans 10 % ne sont pas là pour faire tapisserie. Ils permettent d’aborder des thèmes comme le traitement sexiste réservé aux actrices, la gestion de la maternité, le manque de diversité au cinéma… Quelles sont les thématiques qui vous ont tenu à cœur en saison 2 ?
La saison 2 s’ouvre sur le thème du couple, et quand on est une star en pleine crise, ça veut dire que tout le monde est au courant. On explore le rapport entre l’intimité et l’image publique, comment tout le monde peut s’emparer de leur intimité. L’épisode 2 évoque la dépression de l’acteur qui a tout fait, qui arrive au pinacle de sa carrière et se demande ce qu’il a encore à conquérir.
Publicité
Ensuite, on parle aussi de la peur d’échouer avec Norman, du désir de l’actrice pour un metteur en scène avec Isabelle Adjani. Le dernier épisode avec Juliette Binoche est centré sur les contraintes que l’on impose aux corps des femmes, soit par les tenues, soit par le fait de contraindre les actrices à une certaine relation avec les hommes riches et puissants. C’est un épisode assez féministe.
En parlant de féminisme, vous êtes une des rares séries où la salle d’écriture est composée presque uniquement de femmes (Anaïs Carpita, Cécile Ducrocq, Fanny Herrero, Jeanne Herry, Sabrina B. Karine, Eliane Montane, Camille Pouzol et Benjamin Dupas sur la saison 2). Était-ce un choix conscient ou c’est arrivé spontanément ?
C’est arrivé comme ça, mais c’est très bien. Je pense que ce n’est pas complètement un hasard que ce soit des femmes à l’œuvre sur Dix pour cent. Je ne dis pas qu’il y a un regard particulièrement féminin, mais une attention est donnée aux personnages, quelque chose de plus empathique. Mes coauteurs féminines ont aussi un super sens de la comédie.
Publicité
Il y a vraiment une nouvelle génération de femmes qui s’empare de la comédie, et pour moi c’était important de les valoriser, de réussir à donner de la comédie aux personnages féminins. Je ne parle pas d’un humour féminin, mais de montrer que les personnages féminins sont aussi vecteurs de comédie.
“Je suis obsessionnelle sur la représentation des femmes”
Je ne veux pas qu’on dise de Dix pour cent qu’elle est une série féminine. Je pense que c’est une série attentive aux questions des relations entre les hommes et les femmes, de la place des femmes dans la société, de l’égalité entre hommes et femmes. C’est un prisme de travail essentiel pour moi. J’impose à mes auteurs de faire attention à ça.
C’est hyper important de déjouer les stéréotypes au maximum. Même si on doit forcer certains traits pour la comédie, je suis obsessionnelle sur le sujet de la représentation des femmes. Que va-t-on leur faire dire et comment ? Qu’il y ait des productrices et pas que des producteurs dans la série… L’idée est d’être un peu volontariste. Je réfléchis par exemple, sur la saison 3, à mettre systématiquement une réalisatrice à chaque fois qu’on aura une scène sur un plateau de cinéma.
Les gens le remarqueront peut-être, ou pas. Mais on est sur France 2 en prime time. Des millions de gens vont nous regarder. C’est un bain socioculturel et politique dont il faut absolument profiter pour faire passer des idées qui nous sont chères. Sinon, à quoi ça sert d’être auteure ?
Vous arrivez avec Dix pour cent à faire une série moderne, fraîche, féministe et pertinente. On a presque l’impression que c’est facile de faire une série réussie en France finalement !
[Rires] En vérité, fabriquer une série en France est une des choses les plus difficiles à faire ! Trouver la réplique qui va marcher, le bon tempo, ce sont des heures de travail et de réflexion. Le scénario est un travail de mille-feuille. Après, il faut confronter les textes aux acteurs, à la mise en scène, aux contraintes de tournage. Un épisode est tourné en 11 jours. Il y a un budget à ne pas dépasser. Tout cela est très complexe !
“Je ne veux pas que Dix pour cent ait le temps de s’épuiser”
Comment travaillez-vous dans la “writer’s room” : certains auteurs sont-ils dédiés aux guests et d’autres aux personnages récurrents ?
Non, tous les auteurs écrivent sur tout : la structure, les dialogues et les personnages. On ne peut pas concevoir un seul bout d’un épisode en fait, tout va ensemble. Le vrai moment collectif, c’est quand on travaille sur les arcs narratifs. On réfléchit à tout ce qui va se passer dans la série du côté des personnages récurrents. Les guests arrivent dans un 2e temps. Ce travail est fait à 4 auteurs.
En tant que chef de bande, c’est à moi d’utiliser les forces de chacun. Certains auteurs sont meilleurs seuls derrière leur clavier, d’autres sont forts en brainstorming…
Ensuite, je vais découper les arcs en épisodes et les attribuer aux différents auteurs. Là, ça commence à travailler en petit groupe. Tous les auteurs sont en contact avec moi. On voit la structure ensemble. Ils me proposent une première version avec les dialogues, que je reprends pour sortir une v2.
Et concernant l’écriture des guests, comment fonctionnez-vous : vous avez des acteurs précis en tête au moment d’écrire ?
En saison 1, on avait beaucoup fait ça et on l’avait payé cher : écrire sur mesure quand on n’a pas la personne au final, c’est dommage. On était le bec dans l’eau et il fallait tout reprendre. On est donc plutôt parti en saison 2 sur un archétype d’acteur, pour avoir une histoire solide. Comme ça, si la personne qu’on voulait n’est pas disponible, on pouvait trouver quelqu’un d’autre. On fonctionne finalement comme au cinéma. Si le réalisateur n’arrive pas à avoir son premier choix, il cherche quelqu’un d’autre.
Dix pour cent a été mise en ligne sur Netflix il y a quelques temps. Elle est donc disponible dans de nombreux pays. Avez-vous eu des retours ?
C’est incroyable ! Je trouve ça vraiment génial. Mon coiffeur, qui vit maintenant à Los Angeles, m’a envoyé un message pour me dire qu’il adore la série. Ça me permet de toucher des gens aux quatre coins du monde. On reçoit des messages venant d’Afrique centrale… Je trouve ça fou.
Est-ce que vous avez pensé à un nombre idéal de saisons que vous aimeriez avoir pour Dix pour cent ?
On commence à discuter de ça avec France 2, pour entrevoir une fin et la mettre en scène du mieux possible. Je ne veux pas que la série ait le temps de s’épuiser. On est en train de chercher la meilleure solution, mais il reste encore pas mal d’épisodes avant d’en arriver là !