Netflix et les séries françaises, c’est une histoire récente et semée d’embûches, qui commença par un sacré tollé, celui du soap politique Marseille. Échaudée par des retours assassins, la plateforme américaine a pris son temps avant de proposer d’autres productions made in France moins catastrophiques – Osmosis, Plan Cœur, Huge in France – mais toujours bancales. Une bonne idée ou un personnage attachant se retrouvaient noyés par des dialogues plombants ou une vision ringarde des rapports femmes-hommes. On pensait que Family Business et son pitch qui sent la ganja allaient rejoindre cette flopée de fictions à moitié ratées que l’on appellera dans quelques années “la première vague de séries françaises originales Netflix”. Mais non : cette bonne surprise est la première vraie réussite de la plateforme américaine dans l’Hexagone.
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Que s’est-il passé ? Pour commencer, le géant US a fait confiance à une jeune plume rassembleuse : Igor Gotesman, 33 ans au compteur et pote de la team Pierre Niney. Scénariste sur la shortcom Casting(s), il a fait ses preuves au cinéma en réalisant le long-métrage Five, plutôt bien accueilli par la critique. Pour Family Business, il a repris quelques thèmes déjà présents dans son film : les potes, la famille, le mensonge et le trafic de drogue qui constitue l’élément perturbateur. La série raconte comment un jeune entrepreneur aux projets lose jusqu’ici tente de convaincre son père endetté de transformer la boucherie familiale en “beucherie”, un business de vente de cannabis qui serait légal. Il tient en effet, de source sûre, une nouvelle tonitruante : le gouvernement français s’apprête à légaliser la marijuana.
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Les comédies sur la beuh, sujet fumeux ? Oui, on vous l’accorde : à part une exception américaine – la bien nommée Weeds de Jenji Kohan – Netflix s’était déjà aventurée sur ce terrain avec la série Disjointed, complètement ratée malgré son cast trois étoiles (Kathy Bates s’il vous plaît). Allez savoir pourquoi : le sujet semble ramollir les cerveaux et n’a pas donné naissance à des œuvres inoubliables. Contrairement aux trois quarts des histoires imaginées autour du cannabis, Family Business a fait un choix malin (un peu le même que Weeds) : alterner moments de comédie pure et de drames.
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À l’image d’un Dix pour cent, cette dramédie moderne reste accessible au plus grand nombre. Elle propose une jolie radiographie de la famille française version 2019 : un père touchant, têtu comme une mule, gentiment dépassé, incarné par le charismatique Gérard Darmon (on veut tous un papa comme ça, on est d’accord ?), un fils paumé, en manque de reconnaissance, qui prend les traits de l’impayable Jonathan Cohen, une fille – l’excellente Julia Piaton – qui galère aussi à trouver sa place dans une société féroce, des potes d’origines différentes, des sexualités pas toutes hétéro… Igor Gotesman aborde pêle-mêle ces sujets de façon maline : il ne les ignore pas (comme le faisait Plan Cœur) mais n’en fait pas tout un plat non plus. On pense à cette scène drôle touchante dans laquelle Aure effectue son coming out auprès de sa grand-mère (Liliane Rovere) ou aux multiples références faites aux cultures juives et arabes. Ce qui ne veut pas dire que son personnage se réduit à sa préférence pour les femmes.
D’autre part, le timing comique/drame est impeccable : le guest d’Enrico Macias, qui vient fumer des joints avec Gérard Darmon, s’avère savoureux. Ce dernier forme avec Jonathan Cohen un duo père/fils crédible, qui réserve ses moments de tension, d’émotion et de comédie (quand les deux se retrouvent à Amsterdam). Le sens l’impro de Cohen vient apporter un grain de folie bienvenue. Et puis cette comédie familiale sans prétention aborde sur un ton léger un sujet brûlant d’actualité pour la France : la libéralisation du cannabis. Diabolisée par les uns, appelée de ses vœux par les autres, elle reste au cœur des débats dans un pays qui toujours champion d’Europe en la matière.
La première saison de Family Business, composée de six épisodes, est disponible sur Netflix.
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