Le nom Halston ne vous dit peut-être rien de ce côté-ci de l’Atlantique. La nouvelle production de Ryan Murphy, lancée sur Netflix le 14 mai dernier, est justement là pour rendre ses lettres de noblesse au créateur de mode américain Roy Halston Frowick, qui a connu son heure de gloire dans les années 1970, habillant les plus grandes stars de l’époque, de Jackie Kennedy à Liza Minnelli en passant par Anjelica Huston. Librement adaptée de la biographie Simply Halston de Steven Gaines, la mini-série créée par Sharr White nous raconte en cinq épisodes la grandeur et décadence de cette personnalité hors norme, dans la plus pure tradition des biopics hollywoodiens.
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L’histoire débute en 1961, quand le jeune couturier, alors spécialisé dans la fabrication de chapeaux, se fait remarquer grâce à la Première dame Jackie Kennedy, qui décide de porter un de ses chapeaux pillbox lors de la cérémonie d’investiture de J.-F. Kennedy à la Maison-Blanche. Des flash-back reviennent sur son enfance teintée de violences domestiques (perpétrées par son père), tandis que l’empire Halston se construit patiemment sous nos yeux. Les grands moments fashion et glam se succèdent : la Bataille de Versailles en 1973 (un concours entre couturiers français et américains organisé en grande pompe au château de Versailles dans le but de lever des fonds), son amitié touchante avec Liza Minnelli (incarné par la très chou Krysta Rodriguez), l’expansion de sa marque (une ligne de bagages, un parfum, des collections capsule), ses amours gays, la fête endiablée au légendaire Studio 54 et l’addiction à la coke, l’arrivée des traders de Wall Street dans ses affaires…
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Coécrite par Ian Brennan, Ryan Murphy et Sharr White, Halston ne manque pas de panache, ni de beaux atours. Les amoureux·ses de la mode ne resteront pas indifférent·e·s à cette série où les tissus s’envolent et les tenues s’enchaînent. Visionnaire du prêt-à-porter féminin, Roy Halston a inventé des matières comme le suédé, proposant un style à la fois sophistiqué et confortable aux femmes. Ses créations habillent, façonnent les silhouettes sans les contraindre. Les scènes de défilé de mode, très réussies, s’en font le reflet, en particulier cette scène de catwalk qui présente une collection iconique de robes et pantalons fluides en mousseline drapée et tie-dye. La designeuse Jeriana San Juan, qui a travaillé à recréer ces looks Halston pour la série, confie à Variety : “Il avait cette façon d’interpréter le tie-dye qui ne donnait pas un style hippie. Il utilisait le batik et le tie-dye pour mettre en valeur le corps de la femme et sa structure osseuse. Ses couleurs étaient sophistiquées.”
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L’épisode consacré à la création du parfum Halston apprendra aussi aux néophytes comment les nez travaillent avec les personnalités pour trouver la fragrance qui les représentent le mieux. Si l’univers de la haute couture ne vous passionne pas, vous risquez en revanche de piquer un petit roupillon. À moins que vous ne soyez fan d’Ewan McGregor. L’acteur hétérosexuel nous avait déjà prouvé qu’il était capable de jouer les superstars gays dans le génial film Velvet Goldmine de Todd Haynes. Il se glisse de nouveau avec aisance dans les costumes de luxe d’une icône bigger than life, d’un génie tyrannique, rattrapé par ses propres démons, qui a brûlé la chandelle par les deux bouts. On suit, fasciné·e·s, ses coups de colère, son histoire d’amour compliquée avec l’artiste vénézuélien Victor Hugo (incarné par Gian Franco Rodríguez), ses amitiés avec ses “muses” Elsa Peretti et Liza Minnelli, ou encore son collègue et ami de longue date Joe Eula (David Pittu) et surtout ces moments suspendus par la grâce, où l’homme et son ego surdimensionné s’effacent derrière le créateur. Dans ses moments les plus inspirés, la série nous transmet sa joie de créer au sein d’un collectif (qu’il finit par détruire), de partager sa passion et sa vision.
La reconstitution élégante des années 1970, les superbes costumes de Jeriana San Juan et un cast sans fausse note nous font oublier le classicisme de cette trajectoire “rise and fall” cousue de fil blanc, qui laisse peu de place aux personnages secondaires pour réellement exister. Le récit linéaire et déjà vu de Halston souffre de la comparaison avec la récente Veneno, biopic espagnol d’une icône LGBT, bien plus innovant sur la forme comme sur le fond. Pour autant, il s’agit d’un parti pris des scénaristes, qui semblent avoir pour but de réhabiliter le travail et l’aura de ce grand couturier, moins connu que d’autres grands noms de l’époque, comme son fameux rival, Calvin Klein. Halston est le genre de fiction d’époque qui vieillira bien, destinée à être revue dans cinq, dix ou vingt ans sans qu’on ne puisse exactement dater sa fabrication. Toutefois, elle manque d’un petit grain de folie pour rentrer au panthéon des plus grands biopics hollywoodiens. Un constat ironique, quand on sait que le couturier ne manquait pas de vision, lui.
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