Imaginez-vous deux secondes dans la peau d’un réalisateur hollywoodien ou d’un scénariste de série. Votre projet flirte avec le fantastique et le bizarre. Et vous avez ce superbe rôle de femme à caster. Elle a peut-être des pouvoirs obscurs et porte de grandes robes d’époque. Son visage doit retenir l’attention, et respirer le mystère. Qui appelez-vous ? Eva Green, bien-sûr.
Publicité
La méprise
Depuis sa révélation dans Innocents de Bernardo Bertolucci en 2003, la fille de Marlène Jobert ne cesse d’envoûter Hollywood. Sa filmographie variée se compose d’une quinzaine de rôles : des blockbusters, des films indé, deux séries. Mais surtout, Eva Green cumule les rôles de… sorcières. La faute à une aura mystérieuse qu’elle a entretenue presque malgré elle.
Publicité
Son secret ? L’actrice, qui a abandonné ses études à l’âge de 16 ans, est une grande timide.
“Enfant, j’avais toujours l’impression de flotter. J’aurais voulu avoir davantage les pieds sur terre. C’est de la timidité. À l’école, je ne faisais partie d’aucun groupe. Je n’avais qu’un meilleur ami. Si je devais parler devant tout le monde, j’étais à deux doigts de m’évanouir.” (Vice, 2016)
Publicité
Paradoxe ultime, le remède à cette timidité excessive, Eva Green l’a trouvé dans son métier d’actrice, où elle se glisse dans la peau d’autres personnages. Et en choisissant ses rôles avec beaucoup de discernement. Avec peu de casseroles à son actif, elle a su se tailler une place de choix à Hollywood, marquant les esprits en femme fatale dans Casino Royale (le meilleur James Bond de Daniel Craig) et Sin City 2, en guerrière toute-puissante dans 300: La naissance d’un empire et bien sûr en sorcière maléfique ou angélique, notamment chez Tim Burton.
French touch
La carrière américaine d’Eva Green nous ferait presque oublier que l’actrice est bien française. Née à Paris en 1980, elle a grandi avec sa sœur jumelle Joy (elles ne se ressemblent pas) dans le 17e arrondissement de Paris, fréquentant plusieurs établissements scolaires où le bilinguisme franco-anglais tient une place primordiale dans l’éducation. Depuis Arsène Lupin en 2004, Eva Green n’a plus tourné dans un film hexagonal. Elle attend la bonne proposition pour redonner une chance au cinéma français.
Publicité
Aujourd’hui, la comédienne partage son temps entre Londres, Paris et les plateaux de tournage. “Je ne me sens pas 100 % française, avouait-elle à Shortlist en 2014. Je suis un mélange des deux. J’ai des amis anglais. J’aime beaucoup Londres, où les gens m’apparaissent moins dans le jugement.”
La maison Deyrolle, cabinet de curiosité spécialisé dans la taxidermie, est un des lieux où vous pourrez croiser Eva Green à Paris. La jeune femme n’aime pas être étiquetée “gothique” (qui aime les cases de toute façon ?) mais il faut bien avouer que sa passion pour les insectes, les têtes de mort, la taxidermie (elle possède une énorme tête de taureau chez elle) ou encore la couleur noire n’aident pas à changer cette image de “gothic queen”.
“Peut-être que je devrais accepter cela plutôt que de lancer des ‘mais qu’est-ce que vous voulez dire par là ?’ aux journalistes. J’essaierai d’embrasser ma facette gothique à l’avenir.” (Shortlist).
Publicité
Le côté gothique de la force
Eva Green a tenu parole. En 2014, après avoir incarné 50 nuances de sorcières (blonde et folle dans Dark Shadow, gentille dans À la croisée des mondes, brune et very bad dans la série Camelot), l’actrice est séduite par un nouveau projet télé taillé pour son étrange beauté. Elle accepte d’incarner la medium dépressive Vanessa Ives dans la série horrifique Penny Dreadful.
“C’est l’un des meilleurs rôles de ma carrière. Tous les personnages ont des secrets et s’ils ne sont pas des aliens, ils ne s’intègrent pas vraiment à la société. C’est extrêmement bien écrit. Je crois vraiment en ce projet.” (Shortlist)
Publicité
Et elle a eu raison d’y croire. Portée par une critique enthousiaste, une superbe photographie et des acteurs solides (Josh Hartnett et Timothy Dalton lui donnent la réplique), l’anglo-américaine Penny Dreadful vient d’entamer sa troisième saison, disponible en France sur Netflix.
“Vanessa est une femme très forte pour cette époque [le XIXe siècle victorien, ndlr], qui était très répressive. C’est une femme qui a envie de mordre la vie à pleines dents”, détaillait l’actrice à Vice en avril dernier.
Dès la saison 1, Eva Green faisait forte impression lors d’une scène de possession démoniaque, incarnant tour à tour plusieurs personnes en quelques minutes. Et son talent n’a fait que s’épanouir au fil des saisons. Tout le monde est d’accord : il est temps de donner un Emmy à cette femme et de reconnaître au passage la valeur des séries de genre (ici, l’horreur, souvent méprisé par les prix).
Sexe Intentions
L’autre étiquette, pas toujours simple à gérer pour Eva Green, concerne son hypersexualisation. Sous prétexte que la comédienne est magnifique, qu’elle a débuté dans le film Innocents et que Bernardo Bertolucci a eu cette phrase (“elle est tellement belle que c’en est indécent”), l’actrice a très souvent des scènes de sexe ou de nudité à jouer.
Non pas que les scènes sexy la dérangent plus que ça, si le script les rend indispensables. En acceptant de devenir une “James Bond girl” par exemple, l’actrice se doutait bien qu’elle devrait jouer la carte de la sensualité. Mais tout de même, les films qui n’exploitent pas le potentiel sexy de la star se comptent sur les doigts d’une main. Et la principale intéressée en a bien conscience.
“Les gens me parlent tout le temps des scènes de sexe. J’ai parfois l’impression d’être une actrice porno. Même ma sœur m’en a parlé quand elle est venue me voir sur un tournage en Irlande récemment. Elle m’a demandé : ‘pourquoi il y a toujours une scène de sexe dans chacun de tes films ?’ [rires].” (Shorlist)
Malgré elle, Eva Green dégage une hypersexualité et une étrangeté qui en faisaient la candidate idéale pour incarner la torturée Vanessa Ives dans Penny Dreadful. Là où une performance ciné aurait pu la réduire à des clichés, la série prend le temps de fouiller ce fascinant personnage convoité par le Mal, qui tente à tout prix de ne pas céder au côté obscur de la force. Et ses scènes de sexe sont justement assez rares dans le show.
Si l’actrice s’épanouit dans Penny Dreadful, elle ne lâche pas pour autant le cinéma, et sera à l’affiche du prochain Tim Burton, Miss Peregrine et les enfants particuliers. Cette deuxième collaboration avec le réalisateur roi du bizarre et du merveilleux risque bien de la consacrer plus que jamais comme la sorcière préférée d’Hollywood.