Lily et son petit ami Sergueï, deux brillants ingénieurs en cryptage informatique, quittent tous les matins leur petit appart de San Francisco pour se rendre sur le campus de la compagnie Amaya, un vivier de cerveaux qui travaillent d’arrache-pied à percer les secrets de l’informatique quantique. Forest, le président de la firme, fait figure de leader d’une secte, mi-nerd, mi-hippie, un souverain pas facile à impressionner, mais clément, qui veille sur son petit empire, et en particulier sur Devs, comme une mère sur ses petits.
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Devs, c’est un projet top secret pour lequel Sergueï est recruté. Ce qu’il verra dans le bunker qui abrite le “bébé” de Forest le laissera sous le choc. Ce soir-là, Sergueï ne rentrera pas dans son petit appart de San Francisco. Il ne reverra pas Lily. Inquiète par sa disparition inexpliquée, la jeune femme mène l’enquête mais se heurte rapidement à un mur : Devs n’est pas prêt à dévoiler ses mystères.
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Sur fond d’espionnage industriel et d’analyse de data, Devs, créée et réalisée par Alex Garland (Ex Machina, Annihilation), est une œuvre aussi enivrante que paranoïaque. Les deux premiers épisodes diffusés à ce jour (le troisième sort ce jeudi sur Hulu) sont tout en retenue côté script, tandis que nos yeux sont pris d’assaut par des plans structurés, contemplatifs, composés comme des tableaux et que nos oreilles sont plongées dans une ambiance sonore tantôt méditative, tantôt anxiogène. Surtout anxiogène. L’attraction est immédiate, pour peu que l’on sache apprécier une histoire avançant avec précaution et qui fait dans l’économie de détails.
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Après deux épisodes, on n’est pas encore lassé·e·s du rythme lent de la narration, qui nous livre les informations au compte-gouttes. Mais sur 8 épisodes, la série risque de payer cher ce parti pris. Alex Garland le réalisateur a certes trouvé un superbe terrain de jeu en Devs, mais Alex Garland le scénariste va rapidement être confronté aux contraintes du format. Le temps ne s’écoule pas au même rythme sur un film de 2 heures que sur une série quatre fois plus longue. Les épisodes sont des mini-mondes au sein d’un grand tout et penser qu’on a tout son temps pour faire avancer son histoire ou ses personnages est une erreur.
À ce stade, toutefois, on est encore en phase de stupéfaction devant Devs et la magie opère. Alex Garland y reprend un thème qui lui est cher et qu’il a déjà traité dans Ex Machina : qu’est-ce que les cadors de la Silicon Valley nous cachent, derrière leurs forteresses imprenables ? Quelle menace représentent ceux qui ont le complexe de Dieu et qui mettent des technologies surpuissantes au service de leurs visions mégalomaniaques ? Ici, le gourou de la tech est incarné par Nick Offerman (iconique Ron Swanson de Parks and Recreation), alias Forest, le CEO d’Amaya. Génie entouré de génies, il se réfugie dans son bunker pour travailler sur le projet top secret nommé Devs.
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Pour les premiers épisodes du moins, Devs est utilisé comme un MacGuffin, une chose dont on ignore tout si ce n’est qu’elle meut les personnages et l’histoire. Peut-être découvrira-t-on sa véritable nature d’ici la fin. On sait, en tout cas, qu’elle représente un pouvoir que nul être humain ne devrait posséder et qui a terrifié le jeune Sergueï au point de lui faire vomir ses tripes.
Devs, c’est un code qui semble faire mumuse avec des données quantiques, une chimère qui ferait plier le concept même du temps, une machine qui apporterait des réponses aux plus grandes questions existentielles. Loin de la caricature du geek sociopathe devenu un PDG milliardaire à la Zuckerberg, Forest déstabilise par son ambivalence. Prêt à tout pour protéger sa création, on le sent pris au piège et seul. Terriblement seul. Plus connu pour ses rôles comiques, Nick Offerman crève l’écran dans cette partition aussi touchante qu’exigeante.
Face à lui, Sonoya Mizuno (Maniac, Ex Machina), qui donne vie à Lily, ne démérite pas et son jeu si particulier – sa diction monocorde et métronomique, ses émotions très contenues qui n’explosent qu’au moment opportun désarçonnent – se fond à merveille dans cet univers ouaté et paranoïaque. Alison Pill (aussi à l’affiche de Star Trek : Picard), qui incarne Katie, a pour l’instant peu de choses à défendre et Zach Grenier (vu, entre autres, dans The Good Fight), fait grincer des dents à chaque fois que son personnage, Kenton, le chef de la sécurité d’Amaya, apparaît. Tous ont des choses à cacher et aucun d’eux n’est totalement honnête avec nous.
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Plus encore que l’envie de savoir ce qu’est Devs, on veut comprendre ces personnages, qu’ils se dévoilent, nous explosent au visage, se mettent à nu, et exposent leurs véritables motivations. Mais ça, ça se mérite et si la série d’Alex Garland conservera sans doute quelques mystères en suspens, elle nous y conduit, fatalement.
Devs, actuellement sur Hulu, n’a pas encore de diffuseur français.