Noël et les comédies romantiques, c’est un peu comme l’été et les films de requins, impossible de passer à côté ! Il y a celles et ceux qui se bouchent le nez et les oreilles à l’idée de visionner ces programmes formatés, dégoulinants de sentimentalisme et saturés de tons vert et rouge (on ne vous parle pas des blockbusters sur les requins, il faut suivre !). Chaque année, ils font la promotion du capitalisme et de l’hétérosexualité, à coups d’histoires pseudo-romantiques et cousues de fil blanc, le tout sur fond de musique sirupeuse. C’est probablement ce que pense Dash (Austin Abrams), le héros de la nouvelle série Netflix, adaptée des romans à succès Dash & Lily’s Book of Dares, écrits par David Levithan et Rachel Cohn.
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Et d’un autre côté, il y a les geeks de Noël : ceux et celles qui ne sont pas naïfs au point de ne pas savoir que les fêtes de fin d’année sont un temple de la surconsommation, mais qui se laissent tout de même porter par la magie, les chants, les illuminations et les décorations do-it-yourself qui vont finir à la poubelle une fois la saison passée. Si vous êtes dans ce cas, alors vous rejoindrez naturellement la team Lily (Midori Francis). Sur huit épisodes rapidement dévorés (environ 25 minutes chacun), Dash & Lily entreprend donc de nous raconter la romance naissance entre deux ados aux personnalités que tout oppose (la base), à New York, alors que les fêtes pointent le bout de leurs pompons. L’un est cynique et ne veut pas entendre parler de Noël – il se remet aussi de sa première relation sérieuse – quand l’autre est du genre “positive attitude” en toutes circonstances, ambiance pyjamas coordonnés avec la famille le jour J, décos et leadeuse de sa chorale.
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Évidemment, derrière cette apparente polarité se cachent des similitudes : Dash et Lily sont de grands fondus de littérature, des weirdos attachants, plus à l’aise cachés dans les rangées des grandes librairies new-yorkaises que dans les soirées des jeunes gens sexy de leur âge (qu’ils fréquentent tout de même, sinon pas d’épisode “soirées”). Et c’est dans une libraire que tout va commencer : sur l’idée de son grand frère, Lily laisse un bloc-notes rouge, dans lequel elle défie la personne qui lira ses mots de décrypter son petit jeu. Intrigué, le solitaire et asocial Dash se prend au jeu. Les deux jeunes gens se lancent alors des défis plus chous et originaux les uns que les autres, aux quatre coins de la ville qui ne dort jamais. Une façon charmante de se découvrir et de se confier l’un à l’autre. Mais la réalité va finir par les rattraper et les faire flipper.
Et Netflix modernisa (un peu) la rom com
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Si Dash & Lily vous rappelle quelque chose au visionnage, c’est normal : la comédie romantique reprend la recette du succès d’À tous les garçons que j’ai aimés : les deux œuvres estampillées Netflix (ceci explique cela) sont en effet des adaptations de romans pour ados (ayant déjà fait leurs preuves auprès du public cible donc). Elles reposent sur un échange épistolaire (technique de rencontre désuète et délicieusement romantique, surtout aux yeux de la jeune génération), de bons sentiments, un certain progressisme (notamment dans la présence d’une héroïne d’origine asiatique dans les deux cas ou de personnages secondaires racisés et/ou LGBTQ+) et une héroïne naïve qui va découvrir ses premiers émois amoureux.
Alors évidemment, les rebondissements de Dash & Lily s’avèrent prévisibles à souhait. La série répond à tous les codes du genre de la comédie romantique : des personnages principaux hétéros (mais avec un couple mixte et la culture asiatique de Lily est joliment mise en valeur dans plusieurs séquences), des protagonistes secondaires stéréotypés mais sympathiques (les tentateur·ice·s, les BFF, les foufous, la famille), des scènes surréalistes qui envoient du rêve dans un New York qui a revêtu ses habits de lumière, des petits rebondissements, une embrouille et enfin un dénouement, forcément heureux. Le tout sur une bande-son pop et sentimentale, qui va du “River” de Joni Mitchell (le son de la folkeuse aux ritournelles très “christmas friendly” figure déjà dans le cultissime Love Actually) aux Jonas Brothers (avec un guest de Nick Jonas, producteur du show, à la clé) en passant par Sufjan Stevens ou l’inoubliable “Last Christmas” de Wham!. Si avec ça, vous ne foncez pas vous acheter un sapin de Noël et un bloc-notes, on ne sait plus quoi faire pour vous !
Alors pourquoi malgré toute cette guimauve, ça marche Dash & Lily ? Comme toute bonne recette, celle-ci a fait ses preuves. Pour en faire un plat digeste, il faut y apporter soin, amour et une touche de nouveauté. Sans réinventer la roue en profondeur (on attend The Happiest Season pour ça), la série est bien écrite, ses interprètes convaincants et ses scènes originales (un concert de métal juif, des cours pour apprendre à faire des mochis ou bien sa propre marionnette !). Il souffle aussi sur Dash & Lily un vent de modernité bienvenu et qui manque clairement à Holidate, le film de Noël avec Emma Roberts sorti sur Netflix le 28 octobre dernier.
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Tout en jouant avec certains codes (la botte rouge récupérée par Dash fait écho à l’escarpin de verre de Cendrillon), la série remet gentiment à sa place les images d’Épinal sexistes du genre de la comédie romantique, qui se fait une certaine idée du comportement que devrait avoir une femme et place d’emblée l’homme dans la position de prince charmant sauveur. Créée par Joe Tracz, la série bénéficie de scénaristes féminines dans sa writer’s room et le rendu s’en ressent. En dépit du cliché initial du mec blasé versus la meuf fleur bleue, la relation entre les deux ados se révèle égalitaire, ce qui est assez rafraîchissant. La série évite (de justesse) aussi le cliché de l’ex méchante.
On apprécie également la présence d’un personnage gay, Langston (joué par Troy Iwata) et d’origine asiatique, qui fait face aux dilemmes de sa propre relation amoureuse. De nombreuses scènes se déroulent dans sa chambre à coucher, avec son mec. C’est déjà une petite révolution en soi : habituellement, les personnages LGBT sont désexualisés au possible dans ce genre de productions. Langston interagit notamment avec son grand-père sur ses amours, ce qui n’est pas rien en termes de représentation. Dash & Lily tire clairement sa fraîcheur et ses meilleures idées de son mélange des cultures et de son approche moderne et consciente des codes de la rom com. Elle pose au passage une question universelle, à laquelle les meilleur·e·s écrivain·e·s n’ont pas de réponse définitive : vaut-il mieux vivre une histoire d’amour sans rencontrer l’élu·e de son cœur, quitte à projeter sur la personne des attentes irréalisables et à tomber amoureux·se d’une idée plus que d’une personne réelle, ou tenter le coup pour le coup quitte à se prendre la réalité en pleine poire ? Dash et Lily, eux, ont choisi.
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Les huit épisodes de Dash & Lily sont disponibles sur Netflix, depuis le 10 novembre.