Les ménagères badass d’Héroïnes débarquent et mettent une déculottée aux dramédies françaises.
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Coup de hanche suggestif à gauche, mouvement de bassin lascif à droite, cambrure au max : sur fond de morceau R’n’B édulcoré, des femmes aux âges aussi variés que leurs silhouettes s’adonnent à une chorégraphie à la fois sensuelle et libératrice. Sous les regards interrogateurs des passants, elles s’exposent en lingerie tape-à-l’œil, arborant aussi bien du fuschia saturé que du jaune fluo. Décomplexées au possible, ces nanas ont le sourire jusqu’aux oreilles et font preuve d’un aplomb presque déconcertant. Telle est la scène d’introduction d’Héroïnes, la dernière fiction en date proposée par Arte.
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A contrario des sous-vêtements qu’elles exhibent avec assurance, la vie de ces femmes est loin d’être toute rose. Dans la bourgade française de Saint-Charles, la crise financière fait rage et n’épargne vraisemblablement personne. Suite à la fermeture de l’usine de lingerie locale, un collectif d’individus fraîchement licenciés trouvent un échappatoire à la morosité ambiante dans un hobby pour le moins atypique : le catch féminin. Une fois par semaine, des femmes dans le besoin s’affrontent sur un ring improvisé. À la clé ? Une cagnotte sur laquelle aucune ne peut cracher.
Nathalie, la femme fatale désinhibée, galère à faire décoller sa collection de lingerie en dépit d’une motivation imperturbable (“on va être la dream team des soutifs, bébé”). Son amie, Selma, se prépare à mettre au monde son troisième gosse et craint de ne pas pouvoir s’en sortir. Céline, ménagère pudique et fragile, mène une vie de couple casanière et vient compléter ce trio de copines trentenaires. La quatrième héroïne, en périphérie des autres, est une femme de ménage essayant désespérément de faire venir illégalement sa fille du Mali.
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Vous l’aurez compris, le quotidien de ces copines banlieusardes n’est pas des plus réjouissants. Pour autant, le show ne se complaît pas dans un marasme pesant et opte plutôt pour une relative légèreté, notamment grâce au personnage de Nathalie. Héroïnes permet aussi à Romane Bohringer (Le Bal des actrices) de briller sous les traits d’une mère de famille trahie et livrée à elle-même. La scène finale, une baston de catch amateur, est aussi divertissante que lourde de sens.
Avec un pilote prenant de bout en bout, Héroïnes prend la forme d’une chronique douce-amère où les femmes prennent le pouvoir. La tonalité rappelle irrémédiablement Made in Dagenham, dramédie british sortie en 2010. Quant au traitement des personnages, on se surprend à penser aux longs-métrages de Céline Sciamma. La réalisation, avec son style caméra à l’épaule et ses zoom/dézoom incessants, pourra cependant en déstabiliser plus d’un. Il n’empêche que la créatrice de la série, Audrey Estrougo (La Taularde), est ici à la tête d’un triptyque soigné et, surtout, humain.
Dans Héroïnes, la crise économique sert principalement de prétexte pour pousser son quatuor dans ses retranchements. Pour cela, la série n’hésite pas à s’ancrer au maximum dans la réalité en parlant aussi bien chômage et délinquance que montée progressive du FN (ici désigné sous le nom de Parti national, probablement pour éviter de faire des vagues). Au-delà d’une fresque féminine, Héroïnes est un portrait touchant de la France, avec ses fractures sociales et ses lueurs d’espoir.
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Les trois épisodes d’Héroïnes seront diffusés ce jeudi 16 février sur Arte et sont également disponibles en intégralité sur YouTube.