Biiinge a rencontré Cheo Hodari Coker, le showrunner de Marvel’s Luke Cage, dont la première saison sort ce vendredi 30 septembre sur Netflix. Et il a plein de choses à dire.
Publicité
Biiinge | Il y a quelques mois, vous avez expliqué dans une interview accordée à Entertainment Weekly que l’idée avec Marvel’s Luke Cage était de réaliser le “The Wire de Marvel”. Avez-vous immédiatement regretté ces propos ? Vous vous êtes mis une telle pression tout seul !
Publicité
Cheo Hodari Coker | [rires] En fait, non. Je suis très confiant dans le show, et j’ai dit cela parce que la plupart des gens pensent : ‘OK, Luke Cage, c’est hip-hop, mais à quoi cette série va-t-elle ressembler ?’ Parler d’un The Wire à la sauce Marvel, c’était ma façon d’expliquer que l’on crée un univers ici, qui est certes fictionnel mais propose aussi une vraie histoire.
The Wire a fait quelque chose d’incroyable en mélangeant une histoire de fiction avec les vrais problèmes de la ville de Baltimore, eten parlant aussi du quotidien des Afro-Américains.
Publicité
Avec Marvel’s Luke Cage, je veux raconter l’histoire d’un super-héros et de son évolution, mais aussi parler de politique, le tout sur une musique incroyable. Nous avons réussi à faire des tas de choses, auxquelles les gens ne s’attendent pas. J’espère que le show plaira à des geeks comme moi, aux fans de hip-hop, mais aussi à ceux qui aiment les dramas de qualité.
Aviez-vous d’autres influences ciné ou séries en tête ?
Oui, quand j’ai pitché le show à Netflix, je leur ai dit : “C’est Belly qui rencontre La Cité de Dieu, écrit par le staff de The Wire”. Je suis un grand fan de cinéma. Mes influences vont du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain au Parrain. Je pense qu’un film est bon quand il vous plonge dans un univers que vous n’êtes pas obligé de connaître au préalable, et qui va vous fasciner.
Publicité
Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain est l’un de mes films favoris, parce que je ne parle pas français. Je ne connais rien à la culture française, mais quand je regarde ce film, je plonge dans ce monde. C’est ce que je voulais faire avec Marvel’s Luke Cage. Pas besoin de connaître la culture afro-américaine pour trouver cette série cool et intéressante.
Je veux que les gens oublient tout pendant treize heures, et soient à fond sur cette histoire. Des cinéastes comme Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Woody Allen ou Spike Lee ont tous en commun de créer des univers particuliers qui parlent à tout le monde.
“C’est très dur de vivre dans une époque où, aux États-Unis, tant d’hommes noirs se font tuer pour rien”
Le costume de justicier de Luke Cage n’est pas conventionnel : c’est un hoodie (sweat à capuche noir). Avez-vous eu beaucoup de discussions avec Marvel à ce sujet ?
Publicité
Non, on voulait tous que son costume soit le plus pratique possible. Clairement, il n’allait pas porter un grand T-shirt jaune [comme dans les comics, ndlr]. Il est une cible, donc il veut se faire le plus discret possible. Et puis, nous avons opté pour le hoodie en raison de l’affaire Trayvon Martin. C’était un jeune homme noir, tué par un voisin qui l’a pris pour un criminel, juste parce qu’il était noir et qu’il portait un sweat à capuche.
En choisissant ce vêtement, on voulait dire que les héros peuvent être n’importe qui et peuvent s’habiller comme ils veulent. On peut être un homme noir, porter un hoodie et être un héros. C’est très dur de vivre dans une époque où, aux États-Unis, tant d’hommes noirs se font tuer pour rien, même quand ils mettent leurs mains en l’air ou tentent de s’expliquer. On voulait aussi parler de ça. Luke Cage est un héros Marvel, mais il est aussi le héros de la communauté afro-américaine dans laquelle il vit. Je voulais montrer qu’on peut être les deux.
Pensez-vous justement que ce qui arrive en ce moment aux États-Unis, avec le mouvement Black Lives Matters, a influencé votre écriture ?
Publicité
Oui, mais c’est aussi une série très fun ! Bien sûr, il y a un vrai background politique, mais c’est avant tout un divertissement. Je vais faire un parallèle avec Bob Marley. Sa musique est magnifique et universelle. Tout le monde aime Bob Marley. Et cela ne l’empêchait pas de parler de la politique en Jamaïque ou en Afrique. Sa musique est toujours puissante et, en même temps, il y a tout un second niveau à décrypter.
C’est ce que j’ai tenté de faire avec Marvel’s Luke Cage. Je ne voulais pas que la politique prenne le pas sur le divertissement, et vice versa. Donc pour moi, ce n’est pas le Wu-Tang Clan du Marvel Universe, ce serait plus le Wailers [le nom du groupe de Bob Marley, ndlr] du Marvel Universe.