Pour sa deuxième fournée d’épisodes, Chefs poursuit son exploration quasi shakespearienne des coulisses de la gastronomie à la française.
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Tuer le père
Six mois se sont écoulés depuis les événements de la saison 1. L’élève a dépassé le maître et Romain (Hugo Becker) a pris les rênes du restaurant Le Paris, avec une première étoile au compteur. Le repris de justice en a fait du chemin, non seulement sur le plan professionnel, mais aussi d’un point de vue personnel.
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Son destin est évidemment étroitement lié avec celui du Chef (Clovis Cornillac). Romain a poussé le colosse vers la sortie et cette trahison, digne de celle de Brutus envers César, est bien sûr doublement douloureuse puisque, comme on l’apprenait en saison 1, le Chef est le père biologique de Romain.
Alors que c’est au tour de son fils de briller, le patriarche se laisse peu à peu engloutir par sa fierté égratignée et les doutes s’emparent de lui. Tombé en disgrâce, la personnalité borderline à tendance auto-destructrice du Chef va le conduire dans les bas fonds. Celui qui a passé sa vie à créer des plats exceptionnels va délibérément retourner son art contre lui.
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Outre leur rivalité mêlant haine et amour, un homme se dresse entre Romain et le Chef. Edouard (Robin Renucci), le propriétaire du Paris, a tout misé sur le jeune cuisinier et espère un retour sur investissement. Il garde bien entendu un œil sur le Chef, son ennemi juré. Entre les trois hommes, la guerre est déclarée.
Dans cette bataille de coqs et de toques, les femmes tirent leur épingle du jeu. En coulisses, Charlène (Joyce Bibring), compagne de Romain et son second de cuisine, porte à bout de bras la réussite de celui qu’elle aime. Un peu de sang froid pour contraster avec un tempérament bouillonnant !
Idem du côté du Chef, qui peut compter sur le soutien indéfectible de Delphine (Anne Charrier). Celle-ci l’extirpe du caniveau dans lequel il s’est vautré, et lui offre une seconde chance : l’opportunité de se reconstruire et de se prendre une belle leçon d’humilité au passage, en mettant son savoir-faire au service d’un bistrot de quartier.
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Réalisme et symbolique s’entrechoquent en cuisine
Pour cette saison 2, les créateurs de Chefs, Marion Festraëts et Arnaud Malherbe, poursuivent leur fascinante exploration, plus ou moins fantasmée, de la haute gastronomie à la française. Une deuxième mouture au moins aussi ambitieuse que la première, et dont Clovis Cornillac a d’ailleurs réalisé les quatre derniers épisodes.
S’il y a, dans Chefs, une volonté évidente de montrer l’envers du décor d’un univers jusqu’ici ignoré par les séries françaises, c’est la dramaturgie de ces trajectoires contrariées et de ces personnages écorchés qui se taillent la part du lion. Quitte à parfois en faire un peu trop.
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La symbolique marche à plein régime dans cette saison 2 qui revisite certaines figures shakespeariennes. C’est en ayant vu l’adaptation de la BBC de MacBeth (avec James McAvoy dans le rôle titre) dans le milieu de la restauration que l’on s’aperçoit des emprunts, volontaires ou non, de Chefs à Shakespeare. Comme MacBeth, Romain a dû, métaphoriquement, tuer le roi pour lui prendre son trône. Mais la victoire a un prix, et le karma se chargera de le lui rappeler.
Visuellement, Chefs a aussi su maintenir la qualité de sa première saison et Arnaud Malherbe, derrière la caméra pour les quatre premiers épisodes, continue d’insuffler une élégance néo-baroque à la série. Cette nouvelle saison fantasme aussi les coulisses d’un milieu en lui inventant une facette plus underground, plus cachée.
La descente aux enfers du Chef se matérialise ainsi par des visites répétées dans les bas fonds de Paris, où l’on joue à dompter la mort avec des plats empoisonnés. Si la métaphore est plutôt bien trouvée — les plus fins connaisseurs de la gastronomie testent leurs limites en mangeant, à l’aveugle, des mets raffinés mais mortels —, l’exécution frise le ridicule par moments.
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Une roulette russe où les balles de revolver sont remplacées par des bouchées à la reine assaisonnées d’amanite ou des choux à la crème à l’arsenic… Difficile de prendre tout cela très au sérieux, en dépit de l’atmosphère punk en clair-obscur de toute beauté.
Plus crédible, la plongée dans le sanctum sanctorum de la gastronomie, Le Cercle des Chefs, une société secrète à laquelle Romain aimerait adhérer pour s’asseoir à la même table que les génies de son petit monde. Ces deux nouveaux décors, l’underground très théâtral ou le tout aussi officieux Cercle des Chefs, contribuent en tout cas à l’identité de cette saison 2, dans laquelle le monde de la gastronomie est assurément enveloppée d’un voile de mystère et de fantasmes.
Toujours aussi belle et soignée, toujours aussi bien interprétée et avec des dialogues qui sonnent juste (une rareté dans les séries françaises), Chefs maîtrise sa progression dramatique. Elle n’évite pas quelques moments de flottement mais la balade culinaire vaut assurément le détour.
La saison 2 de Chefs, composée de 8 épisodes, démarre ce mercredi 23 novembre sur France 2 à 20 h 55, à raison de deux épisodes par soir.