Véritable phénomène culturel de l’année passée, le hit de Netflix, Le Jeu de la dame, a permis entre autres d’ouvrir une discussion sur le sexisme dans le milieu des joueurs et joueuses d’échecs. Ça, c’est le côté positif. Mais côté pile, dans la vraie vie, la championne d’échecs géorgienne Nona Gaprindashvili, aujourd’hui âgée de 80 ans, a décidé de poursuivre en justice la plateforme pour une réplique sexiste la concernant dans la série.
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Adaptée du livre éponyme de Walter Tevis sorti en 1983, The Queen’s Gambit raconte l’ascension irrésistible de Beth Harmon (Anya Taylor-Joy) dans le milieu des échecs au cœur des années 1960 et début des années 1970. Si le personnage principal est fictif, la reconstitution de l’époque, les compétitions et certains des adversaires de la jeune femme ont réellement existé.
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Dans le dernier épisode de la mini-série, Beth fait face à Vasily Borgov dans un match largement inspiré de celui de Robert Fischer contre Boris Spassky en 1972. Le commentateur fait alors référence à Nona Gaprindashvili dans cette réplique, expliquant à propos du personnage de Beth :
“La seule chose vraiment inhabituelle la concernant, c’est son sexe. Mais ce n’est pas un fait inédit. Il y a Nona Gaprindashvili, mais c’est une championne du monde féminine et elle n’a jamais joué contre des hommes.”
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D’après The Hollywood Reporter, Nona Gaprindashvili a donc attaqué Netflix pour diffamation, les faits relatés ici étant faux. La championne d’échecs avait en effet déjà fait face à 59 champions d’échecs au moment où se tient le match dans la série, en 1972. D’autre part, la série lui donne la nationalité russe alors que Nona Gaprindashvili est géorgienne, un pays historiquement oppressé par la Russie. Le document juridique détaille ces faits :
“L’allégation selon laquelle Gaprindashvili ‘n’a jamais affronté d’hommes’ est manifestement fausse, en plus d’être grossièrement sexiste et dévalorisante. Netflix a effrontément et délibérément menti sur les réalisations de Gaprindashvili dans le but mesquin et cynique ‘d’accentuer le drame’ en faisant croire que son héroïne fictive avait réussi à faire ce qu’aucune autre femme, y compris Gaprindashvili, n’avait fait.
Ajoutant l’insulte à l’injure, Netflix décrit Gaprindashvili comme étant russe, tout en sachant qu’elle est géorgienne et que les Géorgiens ont souffert de la domination russe lorsqu’ils faisaient partie de l’Union soviétique, qu’ils ont été brimés et envahis par la Russie par la suite.”
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Les avocats de la championne d’échecs réclament ainsi 5 millions de dollars de dommages et intérêts, ainsi que la suppression de la réplique qui dit qu’elle n’a jamais joué contre des hommes.
Du côté de Netflix, une personne porte-parole a répondu laconiquement via ce communiqué : “Netflix n’a que le plus grand respect pour Mme Gaprindashvili et son illustre carrière, mais nous pensons que cette plainte n’est pas fondée et nous défendrons vigoureusement l’affaire.” Cette affaire juridique vient ironiquement entacher une série qui a mis en lumière le sexisme à l’œuvre dans ce milieu, mais de façon certes peu creusée et nuancée, comme le prouve ce retour de bâton.
La fin ne justifie pas les moyens et l’on comprend la colère de Nona Gaprindashvili, qui s’est battue sa vie durant contre les préjugés pour pratiquer une discipline trustée par les hommes et à laquelle on retire tout crédit pour des besoins dramatiques. Championne du monde de 1962 à 1975, elle est la première femme à avoir obtenu le titre mixte de Grand maître international en 1978. Voilà une championne, une pionnière, qui mérite en réalité… sa propre série !
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