Après cinq saisons de bons et loyaux services, The Bold Type a tiré sa révérence aux États-Unis, au terme d’une saison 5 pour le moins dispensable, qui nous a tout de même réservé un joli twist de fin : alors que Jane était pressentie depuis le début de la saison pour reprendre les rênes du magazine Scarlet (pire idée, au vu de sa vision très personnelle de la déontologie journalistique !), Jacqueline Carlyle souhaitant passer la main, c’est finalement Kat – interprétée par la solaire et prometteuse Aisha Dee – qui se retrouvait à la tête du média.
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La rédac cheffe historique lui avouait, dans un dialogue qui sonne juste, qu’elle avait privilégié un profil, celui de Jane, qui lui “ressemblait” alors que ce sont des voix comme celles de Kat, jeune femme métisse et queer, qui représentent le fameux “futur de Scarlet” tant prédit par Jacqueline. Et si vous n’en êtes pas convaincu·e·s, voici une liste non exhaustive qui devrait vous faire changer d’avis, de toutes ces fois où Kat a été la plus “bold” des trois copines de The Bold Type.
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Cette fois où elle a exploré son orientation sexuelle
Se considérant comme hétérosexuelle, Kat Edison rencontre dans la première saison de la série une brillante photographe, Adena El-Amin (Nikohl Boosheri), qui partage aussi ses opinions politiques et un amour pour le militantisme. C’est le gros crush. La jeune femme va alors s’aventurer en terres inconnues, apprendre à dépasser ses peurs (comme celle de faire un cunnilingus pour la première fois à une femme), et vivre sa première histoire d’amour avec une femme, découvrant en même temps son identité queer.
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Entre deux hauts et bas avec son grand amour, Kat explore ses désirs sexuels, interroge une potentielle bisexualité, vit des histoires de casual sex (dans une scène marquante car rare, elle utilise un godemiché sur un homme) et des crushs éthiquement compliqués à vivre (avec une politicienne républicaine, Ava, en saison 4). Mais la série réunira nos deux âmes sœurs, Kat ayant décidé d’affronter une bonne fois pour toutes sa vieille peur de l’engagement. Le couple le plus iconique de The Bold Type, ce sont ces deux-là, sans aucun doute !
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Ces fois où elle a utilisé son expertise CM pour aider les femmes
C’est un peu sa marque de fabrique depuis le début de la série. Kat est une femme qui ne cache pas son engagement féministe et intersectionnel. Et ce qu’on adore avec elle, c’est que son ascension – semée d’embûches – à Scarlet passe par l’utilisation de ses talents de community manageuse pour différentes causes, touchant les femmes en général, et les plus précaires et racisées en particulier.
Parmi ses faits d’arme, on peut citer le lancement d’une campagne sur les réseaux sociaux, “Free the nipple” (en référence au mouvement féministe qui existe bel et bien) visant à dénoncer la censure des seins féminins sur Instagram et à sensibiliser au dépistage du cancer du sein (en saison 1), la création d’un podcast chez The Bell dans lequel elle donne la parole à des femmes (en saison 4), le lancement du mouvement “Don’t turn away” (en saison 5), destiné à aider les femmes à se réinsérer dans la société après une peine de prison. Partout où Kat découvre une injustice, elle se débat pour tenter d’y remédier, quitte à ne pas se faire que des amis en chemin, voir carrément à ce que cela menace son emploi. La sororité, c’est une seconde nature chez Kat.
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Cette fois où elle s’est lancée en politique
Tout a commencé par la défense d’un bar lesbien en faillite, un vrai sujet dans la communauté LGBTQ+, tant les lieux de convivialité entre meufs manquent généralement de moyens, ce qui les conduit trop souvent vers la faillite et au final à un vrai manque. Ce n’est pas pour rien que le Planet dans The L Word était si culte, ou encore que Shane revient dans le reboot, Generation Q, en relançant un bar lesbien… Après avoir organisé une levée de fonds pour sauver un de ses bars favoris, Kat est alors attirée par le monde de la politique, et s’engage dans la campagne d’une conseillère municipale, dont elle partage les valeurs.
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Encouragée par Tia, la manageuse de campagne, Kat s’implique à fond, avant qu’on lui propose de remplacer au pied levé la conseillère municipale après sa défection inattendue. La jeune femme se retrouve au cœur de cette élection, à porter sa voix et ses revendications. Et même si elle ne gagne pas ces élections (et c’est assez rageant), on se dit que cette première expérience, dans laquelle elle a foncé avec l’enthousiasme qu’on lui connaît, ne lui aura pas servi à rien. Elle y reviendra, c’est sûr…
Cette fois où elle a regardé en face la question raciale
Plutôt dépeint comme un personnage colorblind (c’est-à-dire qui ne voit pas les couleurs) et issue d’un milieu social aisé (ses deux parents sont tous les deux psychiatres), Kat réfléchit pour la première fois de façon approfondie à son identité de femme métisse en saison 2, quand elle doit écrire sa bio pour Scarlet, et que son collègue noir, Alex, lui conseille d’ajouter un mot sur sa racialisation*. Se sentant mal à l’aise avec les “labels” et se demandant pourquoi, elle confronte alors directement ses parents (sa mère est blanche et son père noir) qui l’ont élevée en évitant tout questionnement lié à la famille côté paternel et à cette double culture. L’échange est rempli d’émotion et Kat ne peut retenir ses larmes.
Sa relation avec Adena, femme racisée et lesbienne, de confession musulmane, contribue aussi largement à lui ouvrir les yeux sur les questions liées au racisme. Plus tard, Kat fera réaliser à sa BFF Jane le privilège blanc (S02E05) dont elle dispose (quand elle se plaint de ne pas avoir été choisie sur un poste, car la firme recherche en priorité un profil issu de la diversité). La plupart de ses actions militantes (petites et grandes, comme se battre pour recruter une femme qui n’a pas les diplômes requis pour intégrer Scarlet ou lancer un mouvement de justice sociale sur les réseaux sociaux) ont pour but d’aider les femmes les plus démunies, et il se trouve que ce sont bien souvent des femmes racisées. Kat est une “feminist in progress” et c’est passionnant d’assister à son évolution.
Cette fois où elle a interrogé l’éthique des annonceurs à Scarlet
Kat appartient à une génération de millénial·e·s pour laquelle il n’est pas antinomique de travailler pour une société capitaliste et de militer de l’intérieur pour qu’elle change ses pratiques. Toutefois, et peut-être à l’opposé de la génération précédente, elle n’a aucun souci à s’opposer à sa hiérarchie si nécessaire et à dénoncer le manque d’éthique des annonceurs de Scarlet. C’est évidemment une prise de position des plus risquées, puisque le magazine ne peut vivre sans la publicité. Et en même temps, si on n’exige rien de ces grandes firmes (à part de l’argent), qui le fera ?
Ainsi, dans la saison 2, Cleo, une membre du conseil d’administration de Scarlet, propose à Kat d’être la porte-parole d’un produit de soins de la peau. Mais elle apprend plus tard que le PDG de la compagnie en question fait des dons à des sociétés conservatrices. Pendant le tournage de la vidéo, Kat dévoile alors la vérité sur cette société qui se fait passer pour l’amie des femmes. Jacqueline la soutient, et l’encourage à s’engager sur des marques qui l’inspirent. La question de la responsabilité des marques féminines, bien souvent créés et gérées par des hommes qui plus est (à qui on donne notre argent donc), est primordiale. Si elle est traitée de façon idéaliste dans The Bold Type, on note qu’une fois encore, Kat a pris des risques pour défendre ses convictions.
Cette fois où elle a dénoncé un homme puissant qui soutenait les thérapies de conversion
C’est peut-être la fois où Kat été la plus “audacieuse”, et a clairement effectué un choix entre son travail et son militantisme. Cette histoire montre aussi les limites de la volonté de changer le système de l’intérieur. Tout commence avec Adena (comme souvent, ces deux-là s’élèvent en travaillant ensemble et c’est beau à voir), quand les deux femmes travaillent ensemble sur un projet photo destiné à dénoncer les thérapies de conversion. On apprend à ce moment que la photographe a été forcée par son père de suivre une thérapie de conversion.
Stoppées par un refus en haut lieu venant de Scarlet, Kat et Adena enquêtent, et la première découvre que RJ, l’un des membres puissants du conseil d’administration, effectue des donations à des lieux où sont pratiquées des thérapies de conversion. Face aux menaces, et cette fois sans le soutien de Jacqueline, Kat ne cède pas et expose publiquement cet homme et ses dons, preuves à l’appui. Le résultat ne se fait pas attendre : elle se fait virer de Scarlet. Parce que ses convictions lui importent plus que l’image de marque d’un média dans lequel elle adore bosser.
La fin de la série, qui voit non seulement Jacqueline Carlyle lui proposer de revenir à Scarlet pour gérer sa propre verticale puis carrément lui proposer de la remplacer (RJ ayant été écarté de la firme après les révélations) est encore une fois pour le moins utopique (on voit mal une société de ce type réembaucher une journaliste qui n’a techniquement pas protégé la marque Scarlet mais passons…). Mais je retiens surtout que l’accès de Kat au plus haut poste à Scarlet, celui de rédactrice en cheffe, est un signal d’espoir. Cette success story représente l’aspiration des nouvelles générations : consommer des médias en accord avec leurs valeurs, qui ne vont pas prôner des idéaux progressistes sous les projecteurs pour soutenir la maltraitance de la communauté LGBTQ+ dans l’ombre, ou encore écrire sur l’écologie et continuer à soutenir aveuglément des marques qui pratiquent la fast fashion (et par conséquent l’exploitation des personnes, surtout des femmes racisées, à travers le monde).
Le genre de journalisme et de médias dont on a besoin en 2021. Oui, Kat représente non seulement le futur de Scarlet mais aussi la vision d’un journalisme militant et responsable, qui ne s’assoit pas sur ses valeurs dès lors que les dollars pointent le bout de leur nez. Hail to the queen !
En France, The Bold Type est diffusée sur Amazon Prime Video.
*Nous utilisons le terme dans sa définition sociologique.