Si vous rangiez Breaking Bad dans la catégorie des slow burners, ces séries qui prennent leur temps pour mettre en place leurs pions narratifs avant de s’enflammer sur la fin, alors il faut en inventer une nouvelle pour Better Call Saul. Anti-spectaculaire depuis ses débuts, mais terriblement addictive et tout aussi passionnante que sa grande sœur, le spin-off de Vince Gilligan étudie au microscope le changement de personnalité de Jimmy McGill, avocat débrouillard en manque de reconnaissance, qui va devenir le défenseur sans foi ni loi Saul Goodman, celui auquel les criminels font appel. Une parodie d’avocat, toujours là pour défendre les mafieux comme Heisenberg, du moment que ça rapporte et qu’il ne se fait pas choper.
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On le savait depuis le début, mais la clé pour comprendre l’évolution de Jimmy est détenue par Chuck et Kim, les deux personnes les plus importantes de sa vie. À leur façon, elles lui ont fait comprendre qu’il ne serait jamais assez “bon”, assez “propre”, pour prétendre être leur égal, professionnellement et moralement. Durant cette saison, Jimmy a soigneusement évité de gérer émotionnellement la mort de son frère. Il ne semble pas croire à la lettre d’adieu que lui a laissée Chuck (ou que Kim a écrite pour tenter de l’apaiser, le doute demeure), refuse finalement de voir un·e psy après la suggestion de sa compagne, mais reste obsédé par l’idée de redevenir avocat. C’est là que Kim entre en scène. Au début de la saison, Jimmy a un but qui le fait tenir pendant sa période de suspension : remonter un cabinet avec Kim. Mais il se rend compte à mi-chemin que ce n’est pas dans les plans de la brillante avocate, qui finit par accepter un poste dans une autre firme.
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Slow burner psychologique
Cette nouvelle gifle à son ego extrêmement fragilisé par sa relation avec Chuck est celle de trop. Prêt à tout pour redevenir avocat (pour donner tort à Chuck, même dans la mort), Jimmy finit par toucher la corde sensible du comité chargé de le réinscrire au barreau, en utilisant la mort de son frère. Dans ce dernier épisode de la saison 4, “Winner”, il est tellement fort qu’on tombe tous dedans, Kim comprise. L’ultime scène nous révèle notre erreur : l’homme a feint ses sentiments tout au long de son monologue pour séduire le jury. Tiens, d’ailleurs, il ne veut pas s’appeler Jimmy McGill. Comme sa clientèle de criminels, qu’il s’est faite durant son business de téléphones portables, le connaît sous le nom de Saul Goodman, il va désormais s’appeler ainsi. Devant une Kim décontenancée, il se retourne, lève ses pouces, et lui balance la fameuse réplique : “It’s all good, man.” Évidemment, on tremble en pensant à ce que la saison 5 réserve au meilleur personnage féminin (Rhea Seehorn) de l’univers Breaking Bad. Mais quelque chose nous dit que tout restera sur un plan psychologique, et que Vince Gilligan évitera une conclusion trop évidente (elle se fait tuer par un mafieux suite à une affaire dans laquelle est mêlée Jimmy).
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Toujours est-il que dans cette saison 4, Jimmy est devenu Saul. Il est prêt à recroiser le chemin de Gus Fring, qui de son côté a lancé la construction (laborieuse) d’un laboratoire souterrain, dans lequel un certain chimiste finira par venir cuisiner de la meth, pure à 99, 1 %. La chute morale de notre antihéros s’accompagne de celle de Mike, dont la trajectoire miroir est tout aussi sombre que celle de Jimmy/Saul. Embarqué dans une situation impossible, il n’a d’autre choix que d’exécuter le boss du chantier, sur ordre de Fring (Giancarlo Esposito, de plus en plus glaçant), tout en sachant que ce pauvre bougre est comme lui, un “family man”, qui n’a pas pris la mesure des personnes pour lesquelles il travaille. La mèche, allumée depuis longtemps, défile maintenant à toute vitesse pour rejoindre le baril explosif que représente l’impitoyable Breaking Bad.
En France, Better Call Saul est diffusée sur Netflix.