“Il faut vraiment que les acteurs nous fassent confiance”
Si le produit fini s’est avéré être une merveille d’ingéniosité scénaristique et d’une beauté dépaysante, le tournage n’a pas été de tout repos, comme se remémore pour nous Ane Crabtree :
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“C’était un tournage très physique, surtout à cause de ces décors naturels très sauvages. On filmait dans le désert, à deux heures de Los Angeles, à Santa Clarita. C’est là qu’on fait des westerns depuis des décennies, c’est un lieu très beau et très pur. On a aussi tourné dans l’Utah, où beaucoup de westerns du maître John Ford ont également été filmés.
C’était un environnement de travail assez dangereux. On avait beaucoup d’acteurs et de cascadeurs à cheval, on cohabitait avec des serpents à sonnette, des tarentules et des araignées veuves noires. L’un des plus gros challenges, c’était de travailler avec la réalité physique de ce lieu : on n’a pas essayé de le changer, on n’a pas triché.
Tout ce qu’il a fallu construire, en partant de zéro, c’était une charge de travail immense. Le tout ramené au planning très serré d’une production télé… C’est un énorme défi. Donc on se dit : ‘Ferme les yeux, respire un grand coup, et fonce !’ On ne peut pas se laisser paralyser par la peur, sinon on ne parviendrait jamais à respecter les deadlines.
Donc les lieux et le planning, c’était compliqué à gérer. Et, oh mon Dieu, la chaleur ! On était au beau milieu de l’été, avec des costumes qui sont lourds et ont beaucoup de couches. Il faut vraiment que les acteurs nous fassent confiance pour supporter tout ça.”
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“Pour les acteurs, les essayages sont souvent leur point d’entrée psychologique dans le personnage et dans la série”
“Les acteurs me disent souvent que les essayages de costumes sont souvent leur point d’entrée psychologique, non seulement dans le personnage, mais dans la série aussi, quand c’est la première fois et qu’ils n’ont pas encore mis les pieds sur le tournage. Donc c’est une grande satisfaction, mais aussi une certaine pression.”
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Ane Crabtree devient la gardienne des clés. Au tout début de la production d’une série, elle ignore ce qui se cache derrière la porte, tout comme c’est le cas pour les acteurs. Mais elle est là pour les y accompagner. Il lui a fallu un an de travail pour réaliser les looks western et futuristes de Westworld. Avant même que le tournage ne commence, elle crée déjà son petit monde. Et quand on lui demande si elle a un petit chouchou :
“Impossible de choisir l’une de mes créations plutôt que l’autre ! Elles sont comme mes enfants – je sais, c’est incroyablement cucul de dire ça –, y compris pour les figurants. Parce que dans des séries comme celle-ci, où l’univers visuel est si présent, je crée des costumes comme un ensemble. C’est comme si je peignais une toile. Si l’une de mes pièces n’est pas là, c’est un manque que je ressens tout de suite.”
“C’est comme si les conversations étaient plus importantes que les pièces de vêtements”
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Pour chaque pièce, des heures d’essayage sont nécessaires. Un temps qu’Ane Crabtree met à profit pour tisser des liens avec les acteurs, ces mannequins très spéciaux qui vont porter ses costumes comme une seconde peau pendant toute la durée du tournage. Une relation de confiance, de confidences aussi parfois, s’installe alors.
“Je crois qu’un de ceux que je préfère – et c’est évidemment lié à l’acteur –, c’est celui porté par Anthony Hopkins, dans la peau du Dr Ford, surtout pour les passionnantes conversations que l’on a eues autour de son personnage et de son identité.
Thandie Newton aussi, parce qu’elle passe de sa robe de maquerelle aux deux tenues avec lesquelles elle fuit le parc : le pardessus et le pantalon noirs des employés du parc, et sa robe à la toute fin. Elle m’a dit qu’elle se sentait puissante comme une panthère noire dans la ville.
Evan Rachel Wood, quand elle a enfilé aussi son pantalon, son look un peu plus cow-boy, plus masculin, m’a dit : ‘Cette tenue, c’est moi.’ Ce sont des moments, associés à mes créations, que je n’oublierai jamais. Cette collaboration, cette énergie de donner aux acteurs quelque chose qui les représente tels qu’ils sont, derrière le personnage, et leur permet de faire du bon travail.
J’adore aussi Jimmi Simpson ! Les transformer, Ben Barnes et lui, en Logan et William, c’était formidable. Parce que vous savez, comme avec The Handmaid’s Tale, après les interminables essais, les erreurs, les fausses routes pour trouver ne serait-ce que la parfaite coiffe, c’est comme donner vie à un acteur ou une actrice.
Et vous devez le faire avec un certain talent artistique bien sûr, mais aussi avec amour, avec empathie pour les acteurs, et avec une bonne dose de confiance en ce qu’on fait. Même si le résultat est abstrait. C’est comme si les conversations étaient plus importantes que les pièces de vêtements, parce que ça nourrit la créativité. Le reste, ce n’est que de la construction, n’est-ce pas ?”
Et une fois qu’elle a planté son décor, avec ses costumes, Ane Crabtree vogue vers de nouveaux challenges :
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“Pour la saison 2 de Westworld, j’ai créé des choses en avance, et j’espère qu’ils les utiliseront. Mais en termes d’emploi du temps, c’est difficile pour moi. Je suis actuellement en Géorgie, sur le tournage du pilote d’une série appelée The Passage (pour FOX) et j’essaye encore de décider ce qu’il se passera après ça… je ne sais pas. Mais je ne retourne pas sur Westworld, ce serait trop compliqué de tout faire.”