Il est de ces séries dont on n’attend pas grand-chose et qui finissent par nous bluffer du début à la fin. En 2017, ce fut le cas de la cuvée inaugurale d’American Vandal, objet sériel non identifié que les critiques comme le public avaient acclamé dès sa mise en ligne. À travers l’intrigue d’un parking rempli de voitures taguées de motifs phalliques, la série avait pris la forme d’un mockumentary efficace et sérieusement décapant pour peu qu’on soit adepte du second degré.
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Et si l’aventure American Vandal aurait pu s’arrêter là, c’était sans compter sur Netflix et son besoin ardent de donner une deuxième salve à (presque) tous ses contenus originaux. Pour le coup, on s’estime plutôt heureux de pouvoir dévorer cette saison 2, un cran au-dessus de sa prédécesseure. On zappe les graffitis de pénis, place à la diarrhée généralisée : avec la grâce qui la caractérise, la série mise sur un fil rouge aussi improbable que révulsant. Estomacs sensibles, s’abstenir.
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Au vu du succès de leur première investigation, Peter Maldonado et son fidèle acolyte Sam font leurs valises pour Seattle, afin d’enquêter sur une sordide affaire qui fera office de projet de fin d’année. Sur place, dans un établissement pour gosses privilégiés, ils vont se rendre compte de la situation alarmante : un individu, qui se fait appeler le “Turd Burglar”, a dilué des laxatifs dans l’eau de la cantine, créant une véritable shitstorm, au sens presque littéral du terme.
Fidèle à son format initial, soit huit épisodes d’une trentaine de minutes, American Vandal reproduit ce qui lui avait valu l’appréciation des abonné·e·s Netflix : une trame a priori ridicule, prise au sérieux façon Making a Murderer, menée de bout en bout par nos détectives en herbe. Dans la lignée de sa première fournée, la série de Dan Perrault et Tony Yacenda (Funny or Die) vogue à un rythme de croisière maîtrisé, laissant le temps au spectateur de relever les multiples indices et d’adhérer pleinement à l’intrigue. Pour ça, les dialogues du tandem principal sont cruciaux et bien développés, plus encore qu’en saison 1.
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Déjà bien méta jusqu’alors, le show place la barre encore plus haut ici, dès son premier épisode où les crédits d’ouverture d’American Vandal utilisent les noms des personnages et non des véritables créateurs. En perpétuant ce concept de mise en abyme, la série renforce le réalisme de son propos, à tel point qu’un néophyte lambda pourrait se prendre au jeu et considérer l’œuvre comme un véritable docu-série, en moins dramatisant of course.
Mais là où American Vandal a mis les bouchées doubles, c’est au niveau de son sous-texte. Car oui, au-delà de son enquête “scatocentrée” (puis-je faire déposer ce néologisme ô combien approprié ?), la série s’efforce de véhiculer un message et excelle dans sa manière, surprenante mais adéquate, de représenter l’adolescence à notre millénaire. Son ultime épisode devient alors son point culminant, mettant en lumière le rapport ambivalent que peuvent entretenir les jeunes avec les réseaux sociaux.
Le contrôle de son image, la perception de soi et, plus globalement, le paraître dans son ensemble sont les thèmes soulignés par cette saison 2 d’American Vandal et abordés de façon presque philosophique. “Nous ne sommes pas la pire génération, mais la plus exposée, détaille Peter lors d’un monologue inspirant venant clore la série. On vit dans un état constant de feedback et de jugement, donc peut-être que nos masques sont un outil pour survivre à notre époque”.
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Sans trop d’efforts mais avec beaucoup de finesse, ce faux docu-série réussit à mieux encapsuler l’esprit adolescent de 2018 que n’importe quel teen drama actuellement à l’antenne. Bien qu’on puisse la considérer comme une anomalie du catalogue Netflix car tout bonnement inclassable, American Vandal est peut-être l’une de ses œuvres les plus essentielles, autant pour son propos que sa créativité.
Les deux saisons d’American Vandal sont disponibles dès maintenant sur Netflix.