La libération de la parole féminine conduit à de douloureuses révélations, notamment concernant le comportement d’hommes qui semblaient particulièrement sensibilisés à la cause féministe. On pense à Louis C.K., qui a reconnu lui-même s’être masturbé devant de jeunes comédiennes de stand-up. Une autre star venue du même milieu du stand-up, qui possède aussi sa série d’inspiration autobiographique, Master of None, diffusée sur Netflix, vient d’être pointée du doigt par une photographe new-yorkaise.
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Cette dernière a raconté en détail au site Babe la soirée qu’elle a passée avec Aziz Ansari. Après leur rencontre lors de la fête des Emmys en 2017 et avoir gentiment flirté, Grace (le prénom a été changé) avait accepté un rendez-vous galant avec la star à Manhattan. Après un dîner dans un bar à huîtres, les choses se sont accélérées quand elle le suit dans son appartement. Là, en quelques instants, il l’embrasse. “En une seconde, ses mains étaient sur mes seins”. Il commence alors à la déshabiller puis fait de même pour lui. La jeune femme, âgée de 22 ans (le comédien en a 34), commence à se sentir très mal à l’aise face à cette précipitation.
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Quand Aziz Ansari lui dit qu’il part chercher une capote alors qu’il l’a embrassée pour la première fois il y a quelques minutes à peine, Grace se souvient avoir formulé son hésitation : “J’ai dit quelque chose comme : ‘Euh, on peut se détendre une minute, calmons-nous'”. Il recommence alors à l’embrasser, puis lui fait un bref cunnilingus avant de lui demander de lui faire une fellation. Elle le fait, pendant très peu de temps. “Tout a été si vite. Tout était plié en 10 minutes de pelotage, excepté l’acte sexuel en lui-même.”
Elle poursuit son témoignage en expliquant que l’acteur a répété plusieurs fois un geste qui l’a marquée : “Il n’arrêtait pas de mettre ses doigts en forme de V, de les mettre dans ma bouche, au fond de ma gorge pour mouiller ses doigts, parce qu’au moment où il fourrait ses doigts dans ma gorge il allait ensuite droit sur mon vagin et essayait de me doigter.” Grace a appelé ce mouvement, très utilisé dans les films porno, “la griffe”.
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“J’ai dit quelque chose comme : ‘Euh, on peut se détendre une minute, calmons-nous'”
Dans le même temps, il ne cesse de prendre sa main pour l’emmener vers son pénis : “Il a probablement fait ce mouvement de prendre ma main pour la mettre sur son pénis 5 ou 7 fois. […] Il continuait à le faire après que je l’ai retirée. […] Ça a été 30 minutes de moi qui me lève et recule et lui qui me suit et vient coller ses doigts au fond de ma gorge encore et encore. C’était très répétitif. Je l’ai ressenti comme un jeu malsain.”
La jeune femme explique avoir exprimé son refus par “moi qui tente de m’éloigner et qui marmonne”. Elle se souvient qu’à un moment, sa main a arrêté de bouger. “J’ai arrêté de bouger mes lèvres et je suis devenue froide.” Ce que décrit Grace, c’est ce qu’on appelle un “état de sidération” ou de stupeur, qui rend la victime d’agression rigide et incapable de bouger. “Je sais que je donnais physiquement des indices qui disaient que je n’étais pas intéressée. Je pense que ça n’a pas été noté du tout, ou si ça a l’a été, il les a ignorés.”
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Aziz Ansari voulait clairement conclure. Grace se souvient qu’il lui demande plusieurs fois “où il veut qu’il la baise”. “Il n’arrêtait pas de demander donc j’ai fini par lui dire : ‘La prochaine fois’. […] Il a alors dit : ‘Si je te verse un autre verre de vin, maintenant, ça peut compter comme un second rendez-vous ?” Puis il l’a fait. Elle finit par s’éclipser dans la salle de bains, puis par dire à l’acteur : “Je préfère ne pas me sentir forcée, car je vais alors le détester, et je préférerais ne pas le détester.” Après cela, il semble comprendre et lui dit : “Oh oui, bien sûr, ce n’est fun que si on passe du bon temps tous les deux.” Mais après l’avoir invitée à “se détendre” sur le canapé, il réitère ses tentatives sexuelles agressives. Elle se sent obligée de lui faire une fellation. Elle finit par partir, en état de choc. Dans le taxi qui la ramène chez elle, elle fond en larmes.
Le site Babe, qui a recueilli son témoignage et discuté avec ses proches pour recouper les informations, s’est aussi procuré un dernier échange par SMS. Le lendemain de cette soirée, Aziz Ansari envoie un texto chaleureux pour “ce bon moment” passé avec elle. Elle lui explique alors ce qu’elle a ressenti. “Hier soir était peut-être fun pour toi, mais pas pour moi. Tu as clairement ignoré des indices non verbaux et tu as continué à me poursuivre de tes avances.” La star lui répond alors : “Je suis si triste d’entendre ça. J’ai mal interprété ce moment et j’en suis sincèrement désolé.”
“Je n’ai pas été écoutée, j’ai été ignorée. C’est de loin la pire expérience que j’ai eue avec un homme”, conclut-elle. Jusqu’ici, la photographe n’avait pas expliqué clairement ce qu’il s’était passé avec Aziz Ansari, mais le voir remporter un Golden Globe le 7 janvier pour sa série féministe Master of None, et porter le badge Time’s Up l’a décidée à raconter cette histoire. Notons qu’Aziz Ansari a basé une grosse partie de sa carrière sur son analyse des rapports entre femmes et hommes, à travers sa série (notamment l’épisode “First Date” de la saison 2), mais aussi ses spectacles de stand-up et son livre, Modern Romance. Le comportement de la star décrit par Grace est particulièrement éloigné de son image publique de gentil garçon romantique, passionné par les relations amoureuses et grand défenseur des droits des femmes.
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Suite à ce témoignage, il a répondu par un communiqué officiel :
“En septembre l’année dernière, j’ai rencontré une femme lors d’une soirée. Nous avons échangé nos numéros. Nous nous sommes envoyé des textos et finalement nous avons eu un rendez-vous. Nous sommes allés dîner, puis plus tard, nous nous sommes engagés dans une activité sexuelle, qui, selon toutes les indications, était complètement consentie.
Le lendemain, elle m’a dit par SMS que ‘si ça avait semblé OK’, après réflexion, elle s’était sentie mal à l’aise. Il est clair que tout m’avait paru se dérouler de façon consentie, donc quand elle m’a dit que ce n’était pas son cas, j’ai été surpris et inquiet. J’ai pris ses mots très à cœur et je lui ai répondu en privé après avoir digéré ce qu’elle m’avait dit. Je continue de soutenir le mouvement qui se développe dans notre industrie. Il est nécessaire et attendu depuis longtemps.”