Vous êtes artiste ? Vous avez des amis ? Voici 8 idées pour nouer des amitiés créatives

Publié le par Donnia Ghezlane-Lala,

© HBO

Quoi de mieux, finalement, que l’art et l’amitié ? Cadavre exquis, scrapbook et performance : voici une liste parfaite pour vos pannes d’inspiration et pour rebooster vos amitiés.

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Le Mucem célèbre les amitiés du XXe siècle où nombre de poètes, intellectuel·le·s, musicien·ne·s, cinéastes et artistes œuvraient ensemble à des créations collectives. Du “je” au “nous”, certain·e·s s’adonnaient à des “expérimentations intersubjectives”, des écrits en collaboration “automatique” ou des “méthodes de travail coopératives”, à l’instar des cadavres exquis, pour redéfinir les codes du beau.

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“De Picasso à Picabia, de Gabrielle Buffet à Arp, de Hains à Bryen ou Villeglé, de Matta à Brauner, de Brecht à Filliou, de Beuys à Paik, de Castelli à Fetting, de Camilla Adami à Peter Saul, de Klein à Saint Phalle et Tinguely, de Spoerri à Kaprow, de McCarthy à Rhoades, de Roth à Rainer, de Burroughs à Gysin, de Pommereulle à Fleischer, 117 œuvres sont réunies proposant – pour la première fois – différents types d’œuvres collaboratives provenant de collections publiques et privées”, détaille le musée à propos de leur événement “Amitiés, créativité collective”.

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René Clair et Francis Picabia, Entr’ acte, 1924, Centre Pompidou, Paris, Musée national d’art moderne, Centre de création industrielle. (© Adagp, Paris 2022/Centre Pompidou, MNAM–CCI, Dist. RMN–Grand Palais)

Et comme on a eu la chance de visiter leur exposition, on a vu un tas de projets originaux créés à plusieurs paires de mains. On s’est dit qu’il serait bon de vous partager, ami·e·s artistes, quelques idées farfelues (ou non) de collaborations créatives. Une liste parfaite pour vos pannes d’inspiration et pour rebooster vos amitiés.

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#1. Commencez un scrapbook artistique ensemble

C’est ce que l’auteur William S. Burroughs et l’artiste Brion Gysin ont entrepris ensemble dans leur œuvre commune The Third Mind, et vous pouvez très bien vous en inspirer avec votre pote, artiste ou non. C’est au début des années 1960 que Burroughs reprend la technique du cut-up, inventée en premier lieu par Gysin, qu’on rattache à la Beat Generation.

Ian Sommerville, Cut-up, Double portrait de William S. Burroughs et Brion Gysin, 1962. (© Collection Soizic Audouard)

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Pour réaliser un cut-up, il faut prendre un texte original, le découper en fragments et le réarranger pour produire un nouveau texte. Le but recherché était de reproduire les hallucinations et les distorsions de l’esprit. Ce qui est cool avec les scrapbooks, c’est qu’on n’a pas besoin d’être ultratalentueux·se, il suffit d’avoir de petites idées de mise en page et de s’appliquer pour écrire, découper et coller. Niveau maternelle, quoi.

#2. Faites un dessin en cadavre exquis

Initié par Yves Tanguy et André Masson en 1925, le cadavre exquis est le jeu amical par excellence. Dans son Dictionnaire abrégé du surréalisme, André Breton le définit comme un “jeu de papier plié qui consiste à faire composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes, sans qu’aucune d’elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes”.

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André Breton, Marcel Duhamel, Max Morise et Yves Tanguy, Cadavres exquis, vers 1928, Galerie Natalie Seroussi, Paris. (© Adagp, Paris 2022/Collection Seroussi)

Et si vous vous êtes toujours demandé pourquoi on le nommait “cadavre exquis”, on a la réponse grâce au Mucem : “L’exemple, devenu classique, qui a donné son nom au jeu tient dans la première phrase obtenue de cette manière : Le cadavre-exquis-boira-le-vin-nouveau.” Si vous voulez suivre la tradition, vous pouvez donc créer des textes mais aussi (et surtout) des dessins à plusieurs. Il vous suffit de libérer votre imagination, d’ouvrir votre inconscient et d’inventer de nouveaux langages. Facile.

#3. Peignez des tableaux à quatre paires de mains

Comme le Tableau blanc de Bertrand Lavier et Niele Toroni, fait à quatre mains, ou le Tableau collectif de Camilla Adami, Erró, Jean-Jacques Lebel et Peter Saul, vous pouvez séparer une peinture en deux ou en quatre pour réaliser une création à deux ou quatre paires de mains. Chacun·e son style, chacun·e son carré, mais une œuvre entière qui aura votre cachet commun. Attention, ne cannibalisez pas l’espace de l’autre, sinon il va y avoir des embrouilles.

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#4. Signez collectivement une œuvre

C’est l’œuvre la plus facile à réaliser si, au hasard, vous souffrez d’un zona ophtalmologique comme Francis Picabia en 1921. L’artiste confiné dans son appartement a demandé à des proches et volontaires de le visiter à domicile afin de signer une œuvre collective, d’y laisser un mot, un peu comme quand vous faites passer votre bras plâtré à tout le lycée.

Francis Picabia, L’Œil cacodylate, 1921, paraphes de Marcel Duchamp, Tristan Tzara, Gabrielle Buffet, Georges Ribemont-Dessaignes, Marthe Chenal, Benjamin Péret et de nombreux autres, Centre Pompidou, Paris, Musée national d’art moderne, Centre de création industrielle. (© Adagp, Paris 2021/Centre Pompidou, MNAM–CCI, Dist. RMN–Grand Palais/Jacques Faujour)

Les visiteur·se·s allaient et venaient, apposaient leur signature, puis partaient. Au total, 54 participations, dont des grands noms de l’art, ont donné vie à L’Œil cacodylate. Bien pratique quand on a le Covid-19, quand on est alité·e·s ou que notre vue nous manque. Portez un masque si vous êtes contagieux·ses pour ne pas mettre vos potes dans la sauce.

#5. Créez… un paravent

Un paravent, oui, oui, mais pas n’importe lequel : un paravent surréaliste, comme faisaient les surréalistes en 1937. Sur celui exposé au Mucem, on peut voir des signatures collectives et des dessins aléatoires. Un objet décoratif qui vous rappellera les bons souvenirs de cette soirée passée à dessiner sur un paravent avec vos ami·e·s…

#6. Écrivez un manifeste artistique et politique

On connaît tous le Manifeste du surréalisme, mais peu connaissent le Grand Tableau antifasciste collectif, initié par Jean-Jacques Lebel en 1960. Au côté des artistes Baj, Crippa, Dova, Recalcati et Erró, l’artiste a imaginé cette œuvre de 5 mètres sur 4 mètres pour “dénoncer les atrocités commises par les colonialistes pendant la guerre d’Algérie, tout particulièrement le viol et les tortures infligés à Djamila Boupacha”, qui fut défendue par l’avocate et militante Gisèle Halimi. Le tableau fut exposé à Milan en 1961, relate le Mucem, “à la manifestation Anti-Procès III” et sera “saisi et séquestré pour des raisons politiques pendant 26 ans”.

Jean-Jacques Lebel, Enrico Baj, Roberto Crippa, Gianni Dova, Erró et Antonio Recalcati, Grand Tableau antifasciste collectif, 1960, extrait du film de Hamid Bousmah, Les Traces de l’Épreuve, 1997. (© ADAGP, Paris 2022/1997 – IDEA Productions/IVP/H.B)

Autre exemple : les Guerrilla Girls, un collectif fondé par Frida Kahlo et Käthe Kollwitz, qui prônent une meilleure représentation des artistes femmes dans les musées. Prenez une cause forte qui vous tient à cœur, à votre ami·e et vous, et écrivez un manifeste ou imaginez une œuvre collective autour. Il se pourrait que le monde change de face après cette création.

#7. Assemblez vos poèmes et photographies

Si l’un·e aime écrire et l’autre préfère créer des images, pourquoi ne pas imaginer un accrochage sauvage de vos poèmes et photographies ? Dans Affichez vos poèmes — Affichez vos images, le poète Camille Bryen et les artistes Henri Baranger et Raoul Ubac ont placardé leurs textes et images sur les murs de Paris, dans la nuit du 13 février 1936, pour marquer le jour de la publication de leur ouvrage Actuation poétique. Une bonne manière de faire votre promo au plus grand nombre.

#8. Lancez-vous dans la performance

Dans Coléoptères & Co, Bernard Heidsieck et Paul-Armand Gette s’écrivent des poèmes sur les… coléoptères. En 1965, lors de la cinquième édition de la Biennale de Paris, les deux amis transforment ce poème en véritable performance : l’un lit le poème à haute voix tandis que l’autre dessine l’anatomie de l’insecte.

Le clou du spectacle : deux pompiers de la Ville de Paris réalisent des acrobaties. Vous pouvez vous inspirer de ce poème mis en performance, choisir l’animal de votre choix, mais si vous n’avez pas de potes pompiers, prenez des circassien·ne·s ou des danseur·se·s, ça fera l’affaire.

Luciano Castelli et Rainer Fetting, extrait de A Room Full of Mirrors, 1982. (© Adagp, Paris 2002/Luciano Castelli)

Si les animaux et les pompiers vous ennuient, il existe une alternative plus NSFW pour vous ravir, qui consiste à vous insérer des poireaux dans le fion, comme dans 120 minutes dédiées au Divin Marquis, de Jean-Jacques Lebel : un “happening historique”, qui a eu lieu au théâtre de la Chimère, à Montmartre, “dans l’immeuble d’André Breton et Toyen”.

Cette performance jugée “obscène” rendait hommage à l’œuvre philosophique du marquis de Sade. Les participant·e·s se mettaient tout simplement et tout collectivement des poireaux dans le cul. Bon, évitez de vous faire choper par la police, et assurez-vous du consentement de tout le monde à cet exercice.

“Amitiés, créativité collective”, jusqu’au 13 février 2023 au Mucem (Marseille).