Face aux dangers de la gentrification, Dotan Saguy a immortalisé ce qu’il reste du "vrai" Venice Beach.
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Depuis plus d’un siècle s’épanouit à l’ouest de la ville de Los Angeles une enclave créative dont les canaux lui ont valu le petit nom de “la Venise des États-Unis” : Venice Beach. Imaginée en 1905 comme une station balnéaire, cette aire située sur le front de l’océan Pacifique n’est plus indépendante depuis 1926, date à laquelle elle a été rattachée à Los Angeles.Ce qui était destiné à devenir un luxueux complexe balnéaire a été laissé à l’abandon par la Cité des anges au lendemain de la Grande Dépression dans les années 1930. C’est alors que Venice Beach a commencé à prendre le tournant créatif qui lui a collé à la peau jusqu’à ces dernières années.
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Dans les années 1950, des immigrants européens aux faibles moyens (dont de nombreux survivants de la Shoah) s’installent à Venice Beach, en même temps qu’y déambulent des jeunes gens inspirés par les contre-cultures. À l’époque, on pouvait d’ailleurs y croiser de nombreux auteurs de la Beat Generation.
À la fin du XXe siècle, Venice Beach était devenu un synonyme de liberté pour tous les “outcasts” (les parias et marginaux, les personnages atypiques) qui ne s’épanouissaient pas dans la société quotidienne urbaine. Sur les 4 kilomètres de la fameuse Promenade de Venice, la “Boardwalk”, se mêlent alors artistes expérimentaux, amateurs de gonflette, de skate ou de poésie, drogues dures et douces et touristes plus ou moins réguliers.
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Si ce méli-mélo créatif est toujours présent, ces dernières années, Venice Beach a commencé à connaître un sérieux retour de bâton. Tout ce qui faisait l’identité du quartier, son fourmillement hétéroclite de bizarreries que personne ne jugeait, est devenu un spectacle continu en proie à la gentrification.
L’esprit libertaire de Venice Beach avant qu’il ne disparaisse
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Depuis 2010, de nombreuses entreprises ont installé leurs quartiers à Venice, nouvel emblème du cool pour les start-up. Ainsi, un très célèbre cirque présentant, entre autres, femmes à barbe, chiens à cinq pattes ou tortues à deux têtes a vu ses portes fermer après s’être fait racheter par le géant Snapchat.
Avant que cette gentrification ne change complètement la face de ce coin historique de la côte ouest, le photographe Dotan Saguy a souhaité immortaliser le pêle-mêle de performances expérimentales et l’esprit libertaire de Venice Beach, devenu le deuxième endroit le plus visité de la Californie du Sud – juste après Disneyland.
Avec ses images documentaires en noir et blanc, le photographe d’origine israélienne rend un hommage assez magistral à ceux qui donnent et ont donné à cette plage ses lettres de noblesse. Dans son livre, Venice Beach, The Last Days of a Bohemian Paradise, Dotan Saguy s’intéresse aux légendes du lieu, qu’il s’agisse d’un vieux monsieur défenseur de la cause animale ou du bodybuilder Ike Catcher, devenu une figure incontournable de la “Boardwalk”, mais aussi de ceux qui ont tout quitté pour goûter à la liberté progressiste de la West Coast, à l’instar de Jenna, une mère de famille handicapée qui passe de nombreuses journées sur la plage avec son fils de 5 ans.
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Le photographe s’immisce dans l’intimité de tous ces esprits libres avec brio, et ce, sans jamais donner l’occasion au lecteur de se sentir voyeur. On passe ainsi en douceur du célèbre coin aux haltères, qui a compté à une époque Arnold Schwarzenegger parmi ses habitués, à des vans enfumés par les vapeurs de marie-jeanne, en passant par les performances artistiques, et souvent expérimentales, visibles sur la Promenade.