L’idéal du corps mince et lisse que nous connaissons en Occident ne fait pas l’unanimité partout. En Mauritanie, c’est même tout l’inverse : pour être belle, il faut être grosse. Exit les régimes hypocaloriques, les heures passées à la salle, les crèmes amincissantes et les tisanes détox : pour correspondre aux canons de beauté, certaines Mauresques se gavent de bouillie jusqu’à en vomir, ingurgitent des produits naturels grossissants et avalent des médicaments et pilules destinées au bétail.
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Une pratique ancestrale et dangereuse que la photographe Carmen Abd Ali met en lumière dans sa série Mbelha, un terme en hassaniya (un dialecte arabe) qui désigne l’état des femmes grosses et donc prêtes à marier, après avoir été gavées.
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“Ici, si tu n’es pas au moins enrobée, ça veut dire que tu n’es pas encore une femme”
Vivant entre la France et le Sénégal, Carmen Abd Ali a découvert la tradition du gavage des femmes en 2018, lors de son premier voyage en Mauritanie. “D’après ce que je comprenais, c’était une pratique ancienne et presque révolue. Pourtant, les femmes que je croisais étaient toutes enrobées selon les standards européens, et ce peu importe leur âge”, raconte-t-elle.
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En s’entretenant avec des Mauresques, la photographe découvre alors que le gavage existe toujours, et que de nombreuses jeunes femmes continuent de sacrifier leur santé sur l’autel de la beauté. “Quand tu es grosse, on dit que tu prends soin de toi. À 20 ans, ici, si tu n’es pas au moins enrobée, ça veut dire que tu n’es pas encore une femme, que tu n’es pas responsable, adulte, que tu ne peux pas te marier, avoir des enfants ou t’installer”, exprime l’une des jeunes femmes interrogées par Carmen Abd Ali.
Pour correspondre aux normes locales et afficher rondeurs et bourrelets, une technique ancestrale et traditionnelle consiste à gaver les jeunes femmes pas encore mariées, de force et parfois sous la torture, d’un mélange de lait, de bouillie et de poudre de mil.
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“Le gavage traditionnel existe toujours mais il est beaucoup plus officieux, on le pratique dans l’intimité des maisons”, détaille Carmen Abd Ali. “On m’obligeait à boire des litres de lait de chamelle, avec du couscous et du riz, 24 heures sur 24. Quand je vomissais, on me faisait boire mon vomi”, confie une autre femme photographiée.
Médicaments, pilules anti-satiété et huiles grossissantes
À travers les témoignages de femmes âgées de 20 à 30 ans, Carmen Abd Ali porte une attention particulière aux techniques de gavage mises en place par les jeunes générations. Toujours désireuses de correspondre aux canons de beauté locaux, certaines mangent continuellement au cours de la journée, ingurgitent du “Dardak” (un comprimé “miracle” initialement destiné aux bovins), du Pernabol (un sirop antihistaminique réputé pour faire prendre du poids), des médicaments censés augmenter la sensation de faim et des huiles “grossissantes”…
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Autant de produits aux répercussions et effets secondaires importants, avalés dans l’objectif d’afficher des formes généreuses. S’il n’est plus utilisé aujourd’hui, un bracelet de cheville au large diamètre permettait autrefois de mesurer la grosseur des femmes : une fois le bracelet rempli, la femme était prête à prête pour le mariage.
Entre témoignages intimes et images aux couleurs vives, parfois violentes, la photographe met en lumière la pression écrasante des normes sur la santé physique et psychologique des jeunes Mauresques. Mais dénonce aussi, de façon plus générale, le poids de la société et des idéaux de beauté sur le corps des femmes, partout à travers le monde.
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