La première photo que Marie Tomanova a prise lorsqu’elle est revenue en République tchèque après huit ans d’exil aux États-Unis, c’est cette photo d’elle dans un champ vert et glacial, portant le gros pull de son père. C’est “tout ce qu’il me reste de lui” depuis son décès alors qu’elle avait 16 ans, précise-t-elle dans Radio Prague International.
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Aux Rencontres d’Arles, la photographe présente sa série autobiographique It Was Once My Universe (“Ce fut jadis mon univers”) qui explore l’étrange notion d’appartenance, de déracinement et d’idéalisation, lors de son retour aux origines.
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Avoir l’impression d’être une étrangère partout où l’on va, de n’être chez soi nulle part, le décalage imposé par une double culture, la schizophrénie qu’elle implique… “Ça parle beaucoup de déplacements, de mémoire, de lieux, d’identité, de chez-soi. C’est plein de sentiments contradictoires parce que je n’étais pas prête à me sentir comme une étrangère de retour dans mon pays”, détaille la jeune femme.
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Deux mondes, deux identités
Marie Tomanova est revenue dans la ville de Mikulov à Noël 2018, pour le remariage de sa mère. L’artiste tchèque exposée dans le cadre du Prix Découverte Louis Roederer alterne autoportraits fantomatiques, natures mortes au flash, portraits de famille sur le vif et vues de paysages esseulés. Sur chaque photo prise là-bas, elle laisse le timbre dateur au format américain pour accentuer le décalage.
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Elle qualifie ce retour de “bouleversant” et c’est ce sentiment-là qui l’a poussée à prendre des photos tous les jours lors des deux semaines et demie qu’a duré son séjour. Elle revoit les vieux albums de famille, elle retrouve des personnes qu’elle avait laissées à un jeune âge, elle se confronte à ses souvenirs, à un passé retrouvé, à sa chambre d’adolescente, aux “choses simples” du quotidien, à la ferme qui l’a vue grandir.
“Ça m’a aidée […] émotionnellement […] En prenant ces photos, en les imprimant, puis en les regardant, je me suis dit : ‘Je suis ici, j’y ai ma place, je suis sur les photos, je suis dans la nature.’ Et l’autoportrait était important dans le sens où cela me donnait l’impression de revenir à mes racines”, confie-t-elle toujours dans Radio Prague International, à notre consœur Marion Floch. Marie Tomanova signe ici une série thérapeutique universelle, aux airs de L’Adieu et de Retour à Reims.
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Sa série It Was Once My Universe est exposée aux Rencontres photographiques d’Arles jusqu’au 29 août 2021, à l’Église des Frères Prêcheurs. Vous pouvez suivre le travail de Marie Tomanova sur son compte Instagram.