Le portrait bleu et jaune d’une fillette ukrainienne qui s’affiche en grand sur une façade du XIIIe arrondissement de Paris est le “message universel” contre la guerre du street artiste Christian Guémy, alias C215.
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“C’est un portrait d’enfant qui nous interpelle sur le drame humanitaire en cours en Ukraine et sur la responsabilité des politiques. C’est un message universel. En noir et blanc, il parlerait d’autres conflits”, explique l’artiste de 48 ans dans son atelier-studio d’Ivry-sur-Seine, rempli de pochoirs et de bombes de couleur, à quelques encablures de sa fresque.
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Sous le visage enfantin, il a ajouté “une citation du président ukrainien Volodymyr Zelensky”, encourageant les personnels administratifs à ne pas accrocher sa photo officielle dans leurs bureaux “mais plutôt celles de leurs enfants”.
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Il condamne autant “Vladimir Poutine qui a envahi l’Ukraine” que “les interventions américaines en Irak ou françaises en Libye”, évoquant aussi le drame des enfants syrien·ne·s, kosovar·e·s ou rwandai·se·s, dont il a réalisé des portraits qui le hantent.
Appuyé contre un placard, le portrait de Nelson Mandela regarde le frigidaire. Dans la pièce attenante, le visage de Jean-Michel Basquiat saute aux yeux. Sur les murs : un tableau baroque et des œuvres colorées de celles et ceux qu’il admire, “mon univers”, commente l’artiste, adepte du Caravage et de l’écrivain Charles Péguy.
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“[…] Il s’agit du portrait d’une enfant, pour rappeler le calvaire des populations civiles et plus encore des tout-petits. […] Sous ce portrait viendra un texte, de Volodymyr Zelensky, qui dit : ‘Je ne veux vraiment pas de mes photos dans vos bureaux, car je ne suis ni un dieu ni une icône, mais plutôt un serviteur de la Nation. Accrochez plutôt les photos de vos enfants et regardez-les à chaque fois que vous voulez prendre une décision.’ J’espère, comme le chantait Sting en 1985, que les Russes aiment aussi leurs enfants.”
“Un pauvre type”
Depuis 2006, ses œuvres taguées jalonnent l’espace public, “peut-être trop simplistes pour les élites mais suffisamment évidentes pour un public très large“, juge-t-il. “Je parle de gens exceptionnels dans des circonstances exceptionnelles parfois, mais je ne suis pas Simone Veil, Yoda, Gisèle Halimi : je suis un pauvre type”, ajoute-t-il.
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Né à Bondy (Seine-Saint-Denis) en 1973 dans un “milieu très populaire, déconnecté de la culture”, il étudie “comme un dingue” sans faire les Beaux-Arts. Enfant, le dessin “l’amuse”, sans plus. Il grandit “dans le milieu de la nuit, la violence, la drogue, l’alcool”, auprès de grands-parents qu’il croit être ses parents, et d’une mère qu’on lui présente comme sa sœur, enceinte à 13 ans. Elle s’est suicidée lorsque lui en avait 5.
Polyglotte, il travaille dans l’export de mobilier de luxe et comme historien pour les Compagnons du devoir. Après une rupture avec la mère de son premier enfant, il “quitte tout pour taguer”, sans aucune idée du succès qui l’attend au coin de la rue.
Une collaboration avec Banksy
“J’ai commencé à peindre au pochoir le portrait de ma fille autour de chez elle pour lui signaler ma présence” et “canaliser ma dépression”, en travaillant “petit, avec précision, rapidité, au scalpel” ; il découpe les traits des visages à même le carton, sans dessin préalable, avant de pulvériser la peinture pour les faire apparaître.
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En 2008, il collabore avec le célèbre street artiste britannique Banksy, participe à son film Exit Through The Gift Shop, et à un livre, avant de s’en éloigner, se sentant “trop Français, trop tragique”. Ce “coup de projecteur extraordinaire” le propulse à l’international. Il voyage, expose, publie et reçoit des commandes. En 2013, Ubisoft le recrute pour des jeux vidéo, “un tournant”.
Il se tourne vers des œuvres “à caractère citoyen et mémoriel”, rend hommage aux grandes personnalités du Panthéon, aux collaborateur·rice·s de Charlie Hebdo assassiné·e·s en janvier 2015 ainsi qu’aux grands résistant·e·s pour le musée des Invalides. Depuis huit ans, il intervient bénévolement dans les prisons où il “parle d’engagement”, et c’est ce qu’il voudrait “qu’on retienne” de lui.
Konbini arts avec AFP