Une étude inédite au microscope dévoile les moindres secrets de La Jeune Fille à la perle

Publié le par Lise Lanot,

© Johannes Vermeer/Mauritshuis

Le chef-d’œuvre de Vermeer a été passé à la loupe durant 48 heures, à la joie des conservateurs et du grand public.

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“Elle a tout de même 356 ans cette Jeune Fille, rappelle Émilien Leonhardt au sujet du célèbre modèle peint par Vermeer en 1665. “Et c’est assez incroyable de se dire qu’elle a résisté à tout ce temps, des guerres, des feux, des tremblements de terre et on aimerait qu’elle soit encore visible dans de bonnes conditions dans 300 ans”, ajoute-t-il.

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C’est justement dans ce but que lui et Vincent Sabatier ont été appelés, en 2018, à participer au projet “Girl in the Spotlight”, sur demande du musée néerlandais Mauritshuis. Deux ans plus tard, les résultats de leur analyse microscopique sont tombés. C’était la première fois depuis 1994 que le tableau était analysé, et ce par une petite dizaine d’équipes différentes et leurs technologies (à rayons X, infrarouge ou UV par exemple).

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Émilien Leondhardt au Maurtshuis en 2018. (© Vincent Sabatier)

Émilien Leonhardt et Vincent Sabatier (de la firme Hirox, dédiée à la microscopie numérique) ont ainsi examiné La Jeune Fille à la perle en public, afin d’aider les conservateur·rice·s du musée à “examiner la surface du tableau, les techniques et matériaux utilisés et leur provenance”. Pendant 48 heures, ils ont passé l’œuvre à la loupe à l’aide d’un microscope de très haute précision, une caméra montée sur un système de lentille haute résolution et une optique au grossissement important.

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Le Mauritshuis leur avait demandé quelques inspections microscopiques de l’œuvre. Émilien Leondhardt en a profité pour aller plus loin en scannant l’intégralité, proposant ainsi le plus grand panorama du monde d’un tableau avec un tel niveau de détails. Le panorama en question est constitué de dix milliards de pixels de quatre microns chacun (sachant qu’un micron est égal à un millième de millimètre) et 9 100 photos comprenant chacune cinquante images. En une nuit, le logiciel a donc capturé près d’un demi-million de photos du tableau.

Vue 3D du bleu ultramarin du foulard. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)

Une précision inédite

Pour percer à jour les secrets du tableau, l’équipe a installé un double système d’éclairage (une lumière latérale et une lumière annulaire) pour éviter le reflet du vernis. Ensuite, et “pour faire simple”, précise Émilien Leonhardt, le logiciel a scanné “en serpentin” le tableau sur plusieurs axes, de gauche à droite, de haut en bas et en profondeur. Cet examen en trois dimensions a permis de révéler les secrets de la création du tableau :

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“L’inspection au microscope 3D Hirox nous a montré des détails de la fille que nous n’avions jamais observés auparavant. À un grossissement de 35 fois, nous pouvons voir les poils individuels de ses cils et à 140 fois, les particules de pigment qui donnent à la peinture sa couleur. En regardant les coups de pinceau de Vermeer en 3D, nous apprenons entre autres comment Vermeer appliquait ses touches de peinture. Nous pouvons voir et mesurer la hauteur des petits points et des doubles points qui rendent la texture de ses vêtements si réelle”, rapporte Abbie Vandivere, conservatrice au Mauritshuis.

Des révélations ouvertes au grand public

Grossissement à 140 fois. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)

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Cette analyse microscopique menée en 2018 est inédite pour plusieurs raisons : d’une part pour la taille et la qualité du panorama créé, mais aussi et surtout pour l’accessibilité de ce dernier. Émilien Leonhardt a mis en ligne ce panorama lourd de dix milliards de pixels grâce à un système semblable à Google Maps, permettant de zoomer très précisément sur des zones du tableau depuis son ordinateur ou même son téléphone. Ainsi, le projet vise le public très averti des spécialistes autant que le grand public.

Cette étude s’inscrit dans un projet de longue durée : comparer les résultats de 2018 à ceux de 2050 pourrait permettre de comprendre les effets des restaurations du tableau ainsi que le vieillissement de l’œuvre comme “la propagation des craques, si les pigments changent de couleur ou les réactions chimiques”, énumère Émilien Leonhardt.

Vue en 3D de la perle. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)

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L’esprit du projet, souligne-t-il, était de “montrer l’inspection en temps réel au public, de partager quelque chose qui est habituellement caché et de mettre en lumière l’intérêt et l’importance du travail des restaurateurs qui gardent en vie des œuvres se dégradant avec le temps”.

Le site présentant les résultats de cette analyse met à disposition le tableau entier ainsi que dix zones davantage zoomées (à 140 fois contre 35 fois pour l’œuvre entière), où un pixel équivaut cette fois-ci à un micron. De quoi se balader au plus proche de La Jeune Fille à la perle, en deux dimensions ainsi qu’en trois, afin de presque s’imaginer toucher sa texture, avec les yeux, et d’entrer un peu dans la tête du peintre, même à distance et trois siècles et demi plus tard.

Vue 3D de la perle. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)
Vue 3D de la perle. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)
Vue 3D de la perle. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)
Vue du double point visible sur l’épaule, grossi à quatre fois en profondeur et à un angle de cinquante degrés. Couleurs topographiques. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)
Vue du double point visible sur l’épaule, grossi à quatre fois en profondeur et à un angle de cinquante degrés. Vraies couleurs. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)
Vue en 3D de profil du double point visible sur l’épaule. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)
Vue en 3D de la perle. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)
Œil gauche à l’échelle. (© Émilien Leonhardt/Hirox/Jyfel)
“La Jeune Fille à la perle”, Johannes Vermeer. (© Mauritshuis)

Vous pouvez retrouver les vues microscopiques et 3D de La Jeune Fille à la perle ici.