En 2018, l’artiste Laila Hida a installé un studio photo éphémère sur la place Jemaa el-Fna. “‘Arnakech’, c’est une sorte de néologisme de Marrakech et une arnaque inventée par les gens de Marrakech eux-mêmes”, explique Laila Hida, l’artiste et initiatrice du 18, un espace d’art multidisciplinaire basé à Marrakech.
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Laila Hida a choisi d’utiliser ce mot, “Arnakech”, pour titrer la performance qu’elle a réalisée sur cette place. Le collectif Madrassa l’avait invitée à participer au projet Charita qui explorait la question de l’espace public. L’idée de monter un studio éphémère dans ce lieu mythique de Marrakech lui est apparue alors comme une évidence.
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“Jemaa el-Fna incarne la complexité de la ville et une face de son identité. Pour moi, c’est un espace particulier, un espace en tension même pour quelqu’un qui est marocain mais étranger à Marrakech. On arrive sur cette place comme un touriste. J’ai toujours pensé que la meilleure façon d’en saisir quelque chose était de l’investir”, explique-t-elle.
Se jouant des codes de la photographie de studio africaine, Laila Hida a cherché à travers sa performance, ses photos et ses vidéos “à interroger le regard exotisant du visiteur mais aussi le miroir que représentent les instances de l’art envers des pratiques du continent”.
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Elle a installé une bâche jaune avec des motifs de palmiers et de dromadaires, puis elle a invité les passant·e·s et les touristes à poser devant ce fond kitsch. Questionner le médium photographique est l’un des leitmotivs de cette artiste.
“On m’avait pendant longtemps identifiée comme photographe et c’est un peu ainsi que j’ai commencé ma pratique artistique mais la photographie est devenue plus un outil qu’une finalité. La photographie me permet de questionner mon rapport au médium. Avec ‘Arnakech Project’, j’ai voulu créer une mise en abyme, un détournement du studio photo classique. Poser la question du regard de l’autre et à travers lui, la question de l’exotisme.”
En détournant l’usage du studio photo pour cette expérience, Arnakech Project tend à interroger les rapports entre les différents protagonistes de la place : Hlayki·e·s (artistes et performeur·se·s de la Halqa), visiteur·se·s locaux·les, touristes étranger·ère·s, vendeur·se·s ambulant·e·s, rabatteur·se·s, etc.
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Les touristes censé·e·s être les photographiant·e·s deviennent les photographié·e·s. Les rôles s’inversent. “Moi-même, je me suis mise en scène. J’ai travaillé avec des jeunes rabatteurs ou apprentis hlaykis du quartier qui, eux, photographiaient tandis que moi je devenais rabatteuse en invitant les passants à se faire photographier, essuyant, comme eux généralement, un grand nombre de refus.”
À sa grande surprise, de nombreux·ses Marrakchi·e·s et particulièrement des gens de la place se sont aussi précipité·e·s vers le studio photo. “C’était le premier dispositif où les familles marocaines se sont photographiées depuis les années 1940, peut-être un peu avant. C’était comme un rituel cette photographie en studio. Même pour les jeunes, ça évoque les vieilles photos des albums de famille. Reconstituer ce studio était un écho à la mémoire et à l’imaginaire collectif.”