Aujourd’hui, quand on pense “skinheads”, on pense automatiquement à la violence de l’extrême droite. On pense aux ratonnades, au racisme, à l’homophobie, aux gangs, à une panoplie de jeunes vandales aux crânes rasés. Mais à l’origine, cette culture née au Royaume-Uni à la fin des années 1960 – découlant des Mods – n’avait pas d’idéologie politique propre. La première vague de skinheads se définissait à travers une identité de “jeunes prolétaires” et une même culture vestimentaire et musicale en constante évolution.
Publicité
Ce n’est qu’à la fin des années 1970 que certains groupes de skinheads se sont radicalisés politiquement dans la violence et la haine, faisant émerger un mouvement néonazi. Mais en tout temps, la culture skinhead a été plurielle : on pouvait y trouver des apolitiques, comme des antifascistes ou fascistes. Aujourd’hui, le mouvement s’est propagé (et fracturé) dans le monde, et il peine encore à trouver son identité commune.
Publicité
Fasciné par les sous-cultures, notamment celle des Mods, Owen Harvey a voulu montrer celles et ceux qui constituent aussi le mouvement skinhead et que les médias oublient. Le photographe britannique a rencontré des skinheads et suedes antifascistes, qui ont entre 16 et 30 ans et tentent de combattre les stéréotypes autour de leur sous-culture.
Publicité
“Une réflexion sur l’appartenance, l’identité et la masculinité”
Owen Harvey tient sa fascination pour les sous-cultures de sa passion pour la musique mais aussi de son enfance : “Mon père me racontait beaucoup d’histoires, sur la culture football et tous les codes vestimentaires qu’il y a autour.” À travers son travail, le photographe âgé de 31 ans aime explorer les thèmes de l’identité et de la masculinité, dans toute leur complexité.
Publicité
“Depuis 2012, je photographie les sous-cultures […]. Les skinheads m’intéressaient particulièrement car c’est une sous-culture qui a énormément de facettes différentes et qui a tellement été représentée, et mal représentée, par les médias dans le passé”, nous explique le photographe. Il est parvenu à dénicher ces profils de skins antifascistes en se rendant à des festivals, via les réseaux sociaux ou des connaissances en commun. Sa série Skins and Suedes a débuté en 2014 et continue d’évoluer.
“À ma connaissance, ils sont tous antifascistes. Je me concentre sur les gens qui m’attirent, que ce soit à travers leur look ou leur charisme, ou parfois, c’est juste une énergie qu’ils dégagent”, détaille-t-il. “Comme tout le monde”, Harvey nous avoue avoir abordé cette série avec des “préjugés inconscients”, à cause des médias et de la publicité. “Les médias ont toujours montré les skinheads comme des personnes violentes et pleines de colère.”
Publicité
Ses préjugés se sont dissipés à mesure qu’il comprenait davantage le milieu skinhead et qu’il apprenait à connaître les personnes qu’il photographiait, ce qui a donné lieu à des portraits doux, montrant tantôt des images posées, tantôt de banales scènes du quotidien comme une virée à la plage. Dans son travail, Owen privilégie toujours une approche spontanée et brute afin de témoigner au mieux de “ce qu'[il] a trouvé” :
“Je ne commence pas mes séries avec une intention précise concernant la représentation des personnes […]. Je ne veux pas envoyer un seul message. Je veux que mes images soient ouvertes à l’interprétation et qu’elles puissent être lues de différentes manières. J’espère que ces photos auront donné à mes sujets un espace pour les représenter comme ils le souhaitaient. Pour moi, ces portraits portent majoritairement sur le style, mais on peut aussi y voir une réflexion plus globale sur l’appartenance, l’identité et la masculinité.”
L’objectif de sa série n’est pas de donner une meilleure image du mouvement entier. Elle cherche plutôt à rendre visibles celles et ceux que les médias occultent mais qui combattent la gangrène de l’extrême droite de l’intérieur.
Publicité
Vous pouvez suivre le travail d’Owen Harvey sur son compte Instagram.