Un canard à Auschwitz interroge les dérives de l’utilisation abusive d’Instagram

Publié le par Lise Lanot,

Via @Atuk.Apil

Le mémorial d'Auschwitz a ouvert le débat sur son compte Twitter : quelle attitude y adopter à l'ère des réseaux sociaux ?

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Début novembre, le compte Twitter du mémorial du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau portait à l’attention de ses abonné·e·s un débat devenu fréquent depuis l’apparition des réseaux sociaux. Le compte a partagé l’image d’un canard en plastique, l’air particulièrement rigolard devant l’entrée du camp, prise par un étudiant vénézuélien de 22 ans.

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Sur un compte Instagram nommé @Atuk.Apil, le jeune homme – qui souhaite garder l’anonymat – compile depuis fin 2016 des portraits d’un petit canard posant devant les plus célèbres monuments du monde. Un peu à la manière du nain d’Amélie Poulain, le jouet de salle de bains fait voyager son public aux quatre coins du monde, du Parthenon grec à la porte de Brandenburg berlinoise, le tout saupoudré d’informations historiques et culturelles.

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Le Vénézuélien a cependant davantage fait parler de son animal inanimé que d’habitude lorsqu’il l’a immortalisé devant le camp d’Auschwitz. Le Twitter du mémorial a partagé des captures d’écran du compte et des images en question, posant la question de “l’irrespect – même non-intentionnel” du “canard en plastique devant le bâtiment” ou “d’un effet collatéral du monde visuel actuel qu’on devrait accepter/ignorer”.

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Voyant les discussions animées provoquées par sa publication, le jeune homme s’est excusé en affirmant qu’il essayait, grâce à son oiseau en plastique, d’éduquer “de façon créative et informative” ses abonné·e·s et “n’avait jamais eu pour but d’offenser qui que ce soit ou de créer une polémique”. Les images étaient en effet accompagnées de légendes explicatives :

“[Auschwitz] était le plus grand camp d’extermination de l’histoire du nazisme. Il est estimé qu’environ 1,3 million de personnes y ont été déportées. 1,1 million de personnes y sont décédées, la grande majorité d’entre elles étaient juives.”

“Le camp d’extermination d’Auschwitz II (Birkenau), où plus d’un million de victimes du camp sont décédées. Dans cette section se trouvaient les femmes.”

“Des trains remplis de personnes arrivaient chaque jour et étaient séparées en deux catégories, aptes ou inaptes au travail. Celles qui étaient aptes avaient une espérance de vie de quelques mois, les autres étaient directement envoyées dans les chambres à gaz.”

Ces quelques mots n’ont pas aidé le mémorial à trancher sur la question de l’acceptabilité de ce genre de clichés : “Ces légendes prouvent que la personne connaissait la symbolique du lieu, poursuit le mémorial. Cela amoindrit-il son geste ? Ou l’empire-t-il ?” 

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© @Atuk.Apil

Le débat populaire n’a pas trouvé de consensus. Certain·e·s arguant que la démarche était clairement pédagogique et donc, respectueuse, tandis que pour d’autres, l’instagrameur aurait dû s’abstenir de poster la photo, ou d’y intégrer le canard, par respect pour les centaines de milliers de personnes mortes en ces lieux. @Atuk.Apil a tout de même supprimé de son compte les images, rapporte le Washington Post.

À l’ère des réseaux sociaux et de la documentation intensive des vies de chacun·e, il est difficile pour un lieu de mémoire aussi tragique qu’Auschwitz-Birkenau de statuer sur les comportements adéquats à adopter. Quant aux selfies tout sourire sur les rails menant aux camps de la mort et autres clichés indécents, ils sont à proscrire, sans nuance, comme le rappelle fréquemment le mémorial :

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“Quand vous venez au musée d’Auschwitz, rappelez-vous que vous êtes sur un site où un million de personnes ont été tuées. Respectez leur mémoire. […] Il y a de meilleurs endroits pour apprendre à marcher en équilibre sur une poutre que le site qui symbolise la déportation de centaines de milliers de personnes et leur mort.”

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