Encore aujourd’hui, les groupes de supporters sont la plupart du temps assimilés à la violence, souvent à tort. Cela fait bien longtemps qu’Alexandros Kottis, journaliste franco-grec de 28 ans, a fait ce constat.
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Amoureux du football au point d’en faire des mémoires universitaires, Alexandros Kottis décide, en juillet 2016, de laisser les tribunes parler d’elles-mêmes. Pour son projet Supporters, il confie à des groupes de supporters un appareil photo jetable pour qu’ils témoignent eux-mêmes de leur quotidien :
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‘”En tant que journaliste, on peut évidemment leur poser des questions ou leur tendre un micro. Mais en leur fournissant directement l’outil nécessaire à leur expression, ils se racontent sans être guidés ni conditionnés. Ça induit une subjectivité évidente, et c’est ce qui m’intéresse.
L’idée c’est vraiment de leur donner la possibilité de s’exprimer librement, de montrer ce qu’ils veulent, et d’une certaine façon de se définir eux-mêmes grâce à la photo. Il n’y a absolument aucune consigne quand je leur envoie les appareils”, explique Alexandros.
Marqué par le projet Olhar Bom de Bola (du photographe de l’AFP Christophe Simon), dans lequel des enfants de la favela “la Cité de Dieu” photographient le foot de Rio, Alexandros réussit parfaitement à dévoiler la vie du supporter au-delà des 90 minutes d’une rencontre de football dans les clichés qu’il récupère. Ainsi, les membres des Ultramarines de Bordeaux ou des Gueules noires de Lens capturent ce qu’ils souhaitent au gré de leurs week-ends : du minutieux bâchage à la préparation des tifos.
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Mais pourquoi avoir choisi le contre-pied du numérique, qui s’impose dans tous les reportages photo, au détriment d’un simple appareil jetable ? La raison est loin d’être seulement économique pour lui :
“Cela permet de mettre tous les participants sur un pied d’égalité : le même outil et le même nombre de photos par groupe de supporters. Ne pas pouvoir regarder le résultat immédiatement, ne pas supprimer pour recommencer, ça implique une approche différente de la photo, où l’on prend plus de temps, où l’on réfléchit à ce qu’on photographie… Et l’attente du développement rajoute de la magie.
C’est évident qu’il peut y avoir beaucoup de déchets, mais ça fait partie du jeu. Les participants ne sont pas forcément familiarisés avec la photo, et c’est justement ce qui est intéressant, voir à travers leurs yeux, et capturer des moments réels. C’est plus l’authenticité de la démarche que la qualité de la photo qui m’importe. Mais s’il y a les deux, c’est tout bénéf’.”
Après une saison complète, les éphémères boîtiers du journaliste ont déjà écumé dix stades français, Ligue 2 comprise. Rarement réticents à s’exprimer par eux-mêmes quand la réinterprétation des médias n’existe pas, les groupes de supporters de l’Hexagone devraient par conséquent être plus nombreux à l’occasion de cette deuxième cuvée.
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Déjà exposé à l’excellent festival La Lucarne en 2016, Alexandros rêve désormais de développer davantage le projet, voire de l’internationaliser avec des voyages en Argentine ou en Turquie. Avec l’espoir toujours plus grand de montrer une image différente du supporter de foot.
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