C’est d’abord par des histoires racontées, puis en foulant son sol que Michael Rababy est tombé amoureux de la Californie. Amoureux des galeries d’art de Los Angeles, de la quiétude de Joshua Tree, de la connexion à l’infini ressentie sur la Pacific Coast Highway et des librairies indépendantes de San Francisco. Le photographe, cinéaste et curateur libano-américain publie désormais sa lettre d’amour au “Golden State” à travers un épais livre photo présentant les travaux de 110 photographes.
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Né dans l’Ohio, à des milliers de kilomètres de la côte ouest, Michael Rababy se souvient de son enfance passée à écouter des histoires concernant “ces Californiens, bizarres et fous”. “On en parlait comme de mystérieuses personnes en plastique qui mangeaient des avocats à l’autre bout du pays”, rigole-t-il. À ses dix ans, sa famille déménage à San Diego, un endroit dont le climat rappelle à son père des souvenirs de son pays natal.
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“Une contribution politique” ouverte à tous
Près d’un an avant les élections états-uniennes de novembre 2020, il se met à rêver à sa troisième publication, un livre politique au caractère intemporel et fédérateur, qui mettrait à l’honneur “ce qui rend [cet] État progressiste si génial”. Michael Rababy voit son livre comme sa “contribution politique à 2020” :
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“Je voulais créer un livre pour que chacun, quelle que soit son idéologie politique, profite de ce que la Californie a à offrir, mais sa lecture approfondie plaide clairement en faveur de valeurs progressistes. […] Je voulais partager notre diversité et notre sens de l’inclusion avec le monde, à un moment où de nombreuses personnalités politiques capitalisent sur un sentiment de division aux États-Unis. Les gens nous voient comme ‘les élites de la côte’ et nous, on est là, à s’amuser et à se demander pourquoi tout le monde nous déteste.”
Une mixtape visuelle pour tous les goûts
Amoureux des terres sèches de la Californie, Michael Rababy est aussi passionné d’images. C’est pourquoi il a construit son projet comme un collectionneur se délectant de partager “de superbes images”, comme on se régale de faire passer “des morceaux rares ou des faces B”.
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Vu comme “une mixtape visuelle”, l’ouvrage compile les genres afin de “faire passer le lecteur d’une émotion à l’autre”, créant ainsi le “spectre émotionnel” le plus large possible. Épais de 320 pages, offrant 608 photographies en couleurs et en noir et blanc, California Love – A Visual Mixtape raconte des histoires différentes, émanant de regards différents et montrant des personnes et lieux diversifiés :
“Ma famille est libanaise et on a l’habitude de grandes tablées avec plein de mets différents. Je vois ce livre de la même façon. On y trouve des images venant des quatre coins de l’État, de l’océan aux déserts, de la frontière mexicaine aux grands séquoias du nord. Notre diversité est ce qui nous rend forts”, s’émeut Michael Rababy.
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Une lettre d’amour réaliste ?
La conception du livre a permis à l’auteur de conjurer les clichés qui collent à la peau de son État, de sa supposée “superficialité” à sa “spiritualité” exacerbée et, surtout, de la façon dont ces visions, plutôt antinomiques, “cohabitent dans l’esprit des gens”. Tout en louant Los Angeles comme “la capitale créative du monde”, il n’omet pas son évolution et sa gentrification qui empêchent nombre d’habitant·e·s d’y vivre.
“La Californie, comme le reste du monde, est en train de changer radicalement. Cette année, un nombre de feux sans précédent ont ravagé l’État. Une grande partie de Yosemite a été brûlée. Dans mon quartier, les nombreuses belles maisons de style espagnol construites dans les années 1920 et 1940 sont détruites et remplacées par de grands ‘Mac Manoirs’.
C’est compréhensible au vu de la hausse des prix de l’immobilier, mais je vois la romance s’effacer un peu. C’est peut-être pour cela que je suis tant attiré par la photographie comme un moyen de documenter ce que je vois et ce que je vis. Je fais des photos depuis les années 1980 et la majorité de ce que j’ai immortalisé n’existe plus. Au plus profond de moi-même, je veux documenter ce qu’il se passe – si possible, de façon artistique”, analyse le curateur.
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California Love – A Visual Mixtape n’est pas une ode à un passé révolu, il brosse un tableau le plus exhaustif possible d’un État soumis aux mythes de l’ouest américain, de l’industrie cinématographique et de ses paillettes. En invitant une centaine de photographes à raconter ce territoire, Michael Rababy adresse une lettre d’amour à la Californie, mais aussi et surtout, à sa diversité et à la pluralité de l’art photographique.