La National Gallery de Londres se targue depuis les années 1980 d’exposer un chef-d’œuvre de Pierre-Paul Rubens, Samson et Dalila. Réalisée entre 1609 et 1610, l’œuvre baroque représente un épisode de l’Ancien Testament : Samson est endormi sur les cheveux de Dalila, dont il est amoureux.
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Assoupi, il ne remarque pas qu’un serviteur coupe sa chevelure, jamais taillée et source de son impressionnante force. Ainsi affaibli, le nazir sera arrêté par des soldats Philistins, visibles à l’arrière-plan du tableau, à l’affût derrière une porte.
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La tension de la scène (entre le relâchement de Samson et l’arrivée imminente de ses détracteurs), de la lumière (entre l’obscurité de l’extérieur et la blancheur du teint de Dalila) et des formes (entre les muscles saillants de Samson et sa position fœtale) font du tableau une œuvre particulièrement marquante.
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Des doutes persistants
En achetant Samson et Dalila à prix fort dans les années 1980 (environ 2,5 millions de livres Sterling à l’époque, soit l’équivalent de 6,6 millions de livres aujourd’hui, rapporte le Guardian – et 7,7 millions en euros), la National Gallery avait balayé d’un revers de la main les doutes concernant l’attribution de l’œuvre à Rubens.
Ces doutes courent pourtant depuis longtemps. Le tableau a entre autres été attribué à Jan van den Hoecke et Gerrit van Honthorst. Même la page Wikipédia de l’œuvre consacre une partie de sa notice à ces doutes subsistants.
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Quarante ans après cette acquisition, la scientifique Carina Popovici, cofondatrice de l’entreprise suisse Art Recognition, qui utilise l’intelligence artificielle pour “évaluer l’authenticité d’œuvres d’art”, a voulu en avoir le cœur net.
“Objectivité froide” contre “intérêt lucratif”
Ses équipes ont étudié chaque centimètre carré du tableau, les comparant à “148 peintures incontestées de Rubens”, détaille le Guardian, jusqu’à en conclure que le chef-d’œuvre ne serait pas le fruit du travail du peintre flamand. “Les résultats sont stupéfiants. Selon l’algorithme, la probabilité que le tableau ne soit pas [de Rubens] est de 91 %”, a rapporté Carina Popovici. “Le résultat était toujours le même.”
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Nombre de spécialistes de l’histoire de l’art applaudissent ces analyses, à l’instar de la docteure Katarzyna Krzyżagórska-Pisarek qui accueille avec joie l’“objectivité froide” de ce nouveau logiciel, “dénué de subjectivité humaine, d’émotion et d’intérêt financier”.
Ce dernier commentaire semble directement adressé à la National Gallery, depuis longtemps critiquée pour exposer ce Samson et Dalila qui aurait été authentifié par un expert nommé Ludwig Burchard, dont on a découvert après sa mort, en 1960, “qu’il attribuait de façon erronée des tableaux par intérêt lucratif”.
Ces révélations ne font donc pas vraiment l’effet d’un pavé dans la mare mais plutôt de preuves accablantes à l’encontre de la National Gallery et de son choix d’exposer un tableau si controversé. Le musée n’a pas souhaité faire de commentaire avant parution de l’étude complète, précise le Guardian. “Nous avons aujourd’hui besoin de méthodes plus fiables d’expertises”, conclut Katarzyna Krzyżagórska-Pisarek. Qui sait, d’autres surprises nous attendent peut-être à l’intérieur des murs de nos musées ?
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