Une exploration de l’identité et du narcissisme contemporains.
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Redonner ses lettres de noblesse à l’autoportrait au miroir, c’est le pari que s’est lancé depuis trois ans Ryan McGinley, qui travaille sur une série mettant en relief les identités plurielles et le narcissisme de l’ère contemporaine et numérique. En s’inspirant des meilleurs – Learning to Love You More de Miranda July ; 101 Art Ideas [You Can Do Yourself] de Rob Pruitt ; et Grapefruit de Yoko Ono –, il en résulte un ouvrage, sorti le 16 octobre dernier aux éditions Rizzoli Electra, et une expo qui s’est tenue tout l’été à la Team Gallery de New York.
Intitulé Mirror Mirror – qui résonne comme la fameuse réplique de la sorcière dans Blanche-Neige et les Sept Nains : “Miroir, mon beau miroir” –, ce projet collaboratif mis en place par le photographe a réuni de nombreux volontaires : 180 artistes, mannequins ou mentors, tous amis de l’artiste et âgés entre 19 et 87 ans. Explorant depuis ses débuts le nu, les corps sauvages, la fureur de la jeunesse et notre relation à la nature avec une certaine liberté d’esprit, Ryan McGinley s’est tenu à ces mêmes thèmes pour cette série, à deux choses près : l’appareil photo n’était pas dans ses mains mais entre celles des personnes qui posaient nues, et le décor n’était pas champêtre mais plutôt intime.
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De ce fait, il leur prêtait à chacun des appareils photo pour qu’ils réalisent des selfies intimes dans leur chez-soi, devant leurs miroirs. McGinley signe ainsi une œuvre qui offre un nouveau regard sur les vulgaires “selfies miroir” et “nudes”.
“Toutes les personnes qui ont participé font partie de mon groupe d’amis, alors j’ai toujours ressenti une sorte de sentiment amoureux. Les modèles travaillaient dans le cadre de mes thèmes photographiques, à savoir la nudité, la sexualité, le genre, la beauté et le fantasme. Et puis, les miroirs ont apporté ce type d’effet kaléidoscopique et psychédélique. J’étais tellement impatient que les pellicules reviennent.
Rouleaux après rouleaux, ils obtenaient de meilleurs résultats, ce qui ne signifie pas nécessairement que les derniers rouleaux étaient les plus réussis, car on ne sait jamais quand une photo va être la bonne. Une partie de ce projet, qui est si important pour moi, concerne les intérieurs. Il y a cette authenticité dans l’appartement d’une personne et ses biens sont significatifs. Cela vous en dit beaucoup sur eux”, explique-t-il à Vanity Fair.
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L’espace privé de chaque personne fait office de sous-texte, et indique quelques détails sur la vie, le “paysage mental” et les traits de caractère de la personne qui se prend en photo : un bébé ou un chat qui se balade, un peu de désordre, une lumière néon, des vinyles placardés aux murs, des statuettes, un partenaire et des posters qui en disent long.
“La naissance de ce projet est en quelque sorte issue de FaceTime, de tutoriels de maquillage, d’images de profil sur des applications de rencontres, […] de toute cette idée de la culture du selfie”
Ces modèles ont dû suivre dix règles données en amont telles que : “Imagine que tu es un paparazzi sur une face du miroir et une célébrité sur une autre face”, “Prends des photos en rafale tout en traversant la pièce” ou encore “Faux rire”. Des contraintes qui stimulaient leur créativité et qui leur permettaient d’explorer leurs émotions et leurs mouvements. Les images sont toutes prises à l’argentique et ont été développées par McGinley lui-même. En plus d’instructions, il leur a envoyé directement chez eux cinq rouleaux de pellicules, un Yashica T4 et vingt miroirs, de quoi leur donner un large espace de création.
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S’il n’appuie pas sur le déclencheur, McGinley est tout de même l’auteur de ce projet, et repense la notion de paternité d’une œuvre même s’il revendique ce travail comme étant collaboratif. In fine, l’artiste avait tout de même le “director’s cut” et choisissait une seule image (parmi les cinq pellicules) qui représentait parfaitement chaque personne.
“La naissance de ce projet est en quelque sorte issue de FaceTime, de tutoriels de maquillage, d’images de profil sur des applications de rencontres, […] de toute cette idée de la culture du selfie. Comment nous nous photographions constamment à travers tant de reflets différents pour le publier sur nos stories sur Instagram, ou pour l’envoyer à quelqu’un que nous aimons, ou simplement pour voir comment nous nous voyons. C’est pourquoi j’ai fourni aux modèles un argentique. De cette manière, ils ne pouvaient pas s’autocensurer.”
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À travers cette nouvelle forme d’autoportrait et ces miroirs, le photographe questionne ainsi les nouvelles manières de se présenter à autrui, de se refléter, de se représenter soi-même, de se mettre à nu et de se mettre en scène. Avec, en filigrane, l’acceptation de soi et de son corps, loin des artifices et des complexes.
Vous pouvez vous procurer le livre Mirror Mirror, publié aux éditions Rizzoli, sur leur site.