Maurizio Cattelan ? Tout le monde le connaît. Daniel Druet, un peu moins. Pourtant, ce sculpteur français, réputé pour ses modelages de cire, est l’auteur d’œuvres qui ont forcément déjà croisé votre regard, comme celle du pape Jean Paul II écrasé par une météorite ou celle du président Jack Kennedy dans son cercueil, ainsi que la plupart des statues du musée Grévin.
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Revenons à Maurizio pour comprendre son lien avec Daniel. Le 8 mai 2016, une sculpture signée Cattelan est adjugée vendue à New York pour une somme pharaonique : 15,1 millions d’euros, soit deux millions de plus que son prix maximal estimé. Cette œuvre, c’est Him. Sa vente (et même sa création) a fait couler beaucoup d’encre. En effet, la sculpture en cire et résine polyester représente Adolf Hitler en costume gris et taille enfant, priant à genoux, de manière hyper-réaliste.
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Retour sur une polémique qui a enflammé le monde de l’art contemporain
Avant les enchères Christie’s, Him a été exposée en Europe, notamment en 2012, au ghetto de Varsovie – un lieu qui enfermait près de 500 000 personnes de confession juive, durant la Seconde Guerre mondiale. Ce choix a créé une vive polémique, d’autant plus que la statue était placée de dos et créait un effet de surprise au visiteur qui la contournait et découvrait à retardement l’identité de l’être sculpté.
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Plus précisément, Him a été placée rue Próżna, soit en plein cœur d’un quartier rasé en 1943 par les nazis suite à l’insurrection des Juif·ve·s retenu·e·s prisonnier·ère·s dans ce ghetto. La seule présence de cette statue en un tel lieu au lourd passé a été jugée “indécente”, provocante et “antisémite”, puisque “la seule prière d’Hitler était que les Juifs soient éradiqués de la surface de la Terre”, selon Efraim Zuroff, historien américain et “chasseur de nazis”. Le “manque de sensibilité” de Cattelan a également été fustigé.
À la question de la représentation, l’auteur officiel de l’œuvre se défendait en prétextant que “les artistes n’ont quasi jamais approché le sujet d’Hitler”. Encore faut-il bien l’aborder… Selon lui, son œuvre le représente en position de pardon, pour exprimer une “pureté enfantine”. De quoi en choquer plus d’un·e.
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Scandale autour de la paternité de l’œuvre : le cas de Daniel Druet
Hormis la controverse, tout allait bien… jusqu’à la vente Christie’s, à la suite de laquelle un certain Daniel Druet a réclamé la paternité de l’œuvre, oubliant même les foudres qu’elle s’attirait. L’appât du gain ? Pas forcément, peut-être une simple envie de faire reconnaître son travail.
Pour en savoir plus sur le dénouement autour de celui qui a réellement “fabriqué Hitler”, Arte a sorti un court documentaire, réalisé par Thibaut Sève, qui aborde la question de l’art industriel et déconstruit, par ailleurs, le mythe de l’artiste solitaire.
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À l’époque, Cattelan signait le record de l’œuvre d’art contemporain la plus chère vendue aux enchères, et il ignorait volontairement et totalement le rôle qu’a joué le sculpteur français dans son succès. Il faut d’ailleurs préciser que les deux hommes collaboraient régulièrement, l’un commandant à l’autre, depuis le début des années 2000.
Daniel Druet a produit plusieurs sculptures pour Cattelan, dont celle du Pape, qui lui a valu une sacrée notoriété. Comme le rappelle Thibaut Sève dans son documentaire, cette relation fait penser à celle d’Auguste Renoir et Ricardo Guino : ce dernier a intenté un procès au premier, pour faire reconnaître la paternité de ses sculptures, qui étaient signées Renoir, inspirées de ses peintures et commandées par le peintre, alors qu’elles étaient produites par ses propres mains. Ricardo a gagné contre Auguste.
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Si Maurizio Cattelan est celui qui a eu l’idée et qui a commandé l’œuvre, il ne l’a techniquement pas créée et conçue. Quid du code de propriété intellectuelle concernant Daniel Druet, lui-même artiste, qui a moulé de ses mains, en 2001, la statue controversée en échange d’une dizaine de milliers d’euros, et qui voit, en 2016, la sculpture partir pour des millions d’euros ? Ce débat pose la question des commandes d’artistes qui usent et achètent des compétences manuelles d’autres artisans et artistes, et ne décident pas de cosigner l’œuvre.
Druet a finalement répondu à Cattelan en réalisant une sculpture de la tête de l’artiste coté qui sort d’un œuf géant de coucou, un oiseau réputé pour pondre ses œufs dans le nid des autres… Une chose se confirme à travers les mots francs de Daniel Druet, qui confie les coulisses de sa sculpture à Arte : plus les artistes sont célèbres, plus ils sont assistés. “Je ne déteste pas Maurizio Cattelan, c’est le système que je déteste”, conclut-il.