Tout au long de sa carrière, la photographe Sabine Weiss a placé l’homme au cœur de son travail. Du gotha des années 1950 aux enfants des rues, en passant par les gitans du sud de la France, elle a immortalisé avec autant de beauté et d’humanité toutes ces personnes.
Publicité
On connaît ses photographies, un peu moins son nom et très peu son visage. Pourtant, Sabine Weiss est une figure importante de la photographie. Née en Suisse en 1924, elle déménage à Paris à 20 ans et photographie la capitale française au lendemain de la seconde guerre mondiale. Dans une vidéo publiée par Chicago Tonight, la photographe revient sur sa carrière, et sur son arrivée à Paris : “Il y avait beaucoup d’enfants qui marchaient dans la rue. Ils n’avaient pas la télévision, pas de jeux, rien de tout cela. Il y avait beaucoup de personnes dans la rue, et même le long de la rivière… C’était très libre vous savez.”
Publicité
Photographe de rue, l’artiste suisse s’est emparée de son premier appareil photo à l’âge de 8 ans. Dix ans plus tard, elle parcourt à vélo les rues de Genève et commence à apprendre de façon plus professionnelle la photographie, ce qui lui permettra d’ouvrir son propre studio assez rapidement. Mais il semble que Weiss ait la bougeotte. Elle part à Paris, non pas afin de poursuivre son travail en studio, mais dans l’optique de photographier les rues de la ville lumière. La galerie Stephen Daiter, à Chicago, rend hommage à ses images jusqu’au 29 avril.
Sabine Weiss devient photoreporter, le magazine Vogue l’engage à ce titre ainsi que comme photographe de mode, après quelques années de travail en indépendante. Robert Doisneau découvre ses images et lui propose de rejoindre son agence de photo à tendance humaniste Rapho. Ce concept de photographie humaniste apparaît dans les années 1930 et le mouvement regroupe des photographes qui placent l’homme au centre de leur recherche photographique : des artistes qui “regardent leurs contemporains à travers le filtre de leur propre humanité et donnent à voir les hommes sous un jour délibérément positif, ou du moins indulgent et toujours respectueux”.
Publicité
En rejoignant cette équipe, Sabine Weiss a l’opportunité de voyager à travers le monde et de travailler pour des publications à l’international, tels que Time, Life ou Newsweek. En plus des rues parisiennes, elle photographie les campagnes françaises, l’Europe et l’Amérique.
La photo comme alibi
Très jeune, elle se fait une réputation solide et parcourt les territoires, devenant une des premières femmes photojournalistes de l’époque. Elle assure que le fait d’être une femme n’a absolument rien changé. Pour elle, la photographie est plus qu’une passion en elle-même, c’est une porte ouverte sur le reste du monde : “Un alibi, un prétexte pour tout voir, pour aller partout et pour communiquer avec tout le monde.”
Publicité
Et ce monde, Weiss a toujours tenté de le restituer avec authenticité, à hauteur des visages, captant un instant sortant de l’ordinaire, une combinaison particulière de regards et d’attitudes. Ses images en noir et blanc sont spectaculaires de simplicité, et d’un naturel déconcertant qui semble parfois sorti d’un autre temps. Le travail de recherche sur la composition, le cadrage et la lumière assure cette spontanéité et permet de retranscrire à merveille une ambiance.
À 92 ans, elle assure avoir toujours eu besoin de ne prendre qu’une seule photo pour avoir “la bonne” : “La plupart du temps, je n’en prends qu’une. Après cela, je peux parfois en prendre d’autres pour changer des positions ou la composition.” Son assistante renchérit : “C’est incroyable comme elle voit exactement la bonne photo d’emblée. Cela fait partie de sa personnalité, ce travail [de prendre en photo ce qui la touche]. Elle est comme ça, elle prend soin des autres, elle veut aider. Peut-être que l’appareil photo est une façon de se lier aux gens.”
Weiss a immortalisé une époque. En plus de ses images des rues, elle a photographié des célébrités des années 1950 telles que Jeanne Moreau, Brigitte Bardot ou Ella Fitzgerald, dans un cadre intime. Se croisent ainsi autant les visages concentrés des musiciens gitans de la Provence, les mines enjouées d’enfants parisiens que des icônes de l’époque. À 92 ans, et bien qu’elle n’exerce plus, la photographe assure apprécier les images de sa carrière. En riant, elle affirme à Chicago News : “Je suis très contente, parce que j’aime mes photos vous savez ? [Rires] Qu’y puis-je ? Elles sont très bonnes”. Une artiste talentueuse et lucide, après une carrière longue de plus de soixante ans.
Publicité
L’exposition consacrée aux œuvres de Sabine Weiss a lieu à la galerie Stephen Daiter, à Chicago, jusqu’au 29 avril 2017.