Depuis quelques années, Vincent Tremeau tente, avec son appareil photo, de projeter un peu d’espoir dans des crises humanitaires ayant lieu à travers le monde. Pour son projet One Day I Will (“Un jour je serai”, en français), le photographe a rencontré des dizaines de jeunes en Irak, au Tchad, au Népal ou encore au Nigeria, et leur a demandé de poser pour un portrait représentant le métier de leurs rêves.
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Accompagnées des mots, des espoirs et des drames personnels de ces enfants, ces images illustrent l’importance de l’espoir en un futur meilleur pour ces enfants et ces adolescent·e·s dont l’existence, actuellement, se résume davantage à de la survie qu’à une vie innocente. Si Vincent Tremeau a ouvert son projet aux garçons, il s’est longtemps concentré sur les filles, tant l’accès à l’éducation de ces dernières reste une problématique majeure du XXIe siècle.
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Avec cette série, repérée entre autres par BuzzFeed News, il espère pointer du doigt ces urgences humanitaires tout en mettant la communauté internationale face à ses responsabilités si, dans plusieurs années, ces jeunes n’ont pas pu réaliser leurs rêves.
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Cheese | Quand as-tu commencé la photographie ?
Vincent Tremeau | J’ai commencé à prendre des photos en 2007. J’étais étudiant en échange universitaire en Argentine et aller prendre des photos était la meilleure excuse pour partir à la découverte de Buenos Aires et rencontrer des gens.
J’étais aussi d’une grande timidité à l’époque, et mon appareil photo m’a permis de surmonter cette timidité et aller à la rencontre des gens. Au fil des mois passés là-bas, j’ai commencé à délaisser l’université pour fréquenter davantage un studio photo où je développais mes clichés. C’est là que je suis tombé amoureux de la photographie.
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Après avoir obtenu mon diplôme en droit, j’ai décidé de laisser tomber une carrière dans les affaires pour travailler sur des projets humanitaires. Je sentais au fond de moi que je voulais davantage faire quelque chose qui serve une cause, plutôt que d’aider aux profits d’une entreprise.
“Mon appareil photo est devenu un outil pour raconter les histoires”
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En parallèle, j’ai découvert le travail du photographe Sebastião Salgado. Je suis parti travailler en République démocratique du Congo en tant que volontaire, et j’y ai trouvé une réalité dramatique par rapport à tout ce que j’avais vu auparavant.
C’est là que j’ai commencé à faire mes premiers reportages pour une ONG. Mon appareil photo est devenu un outil pour raconter les histoires que les gens partageaient avec moi et ce que je voyais. Je me suis rendu compte que la photographie était le moyen le plus puissant pour sensibiliser le public. J’ai décidé de devenir photographe pour donner la parole à ces gens qui se confiaient à moi et se sentaient oubliés.
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Tu peux m’en dire plus sur le projet One Day I Will ?
One Day I Will décrit les espoirs et les rêves de jeunes enfants et ados, dont la plupart vit dans des contextes de crises humanitaires ou de conflits. Les jeunes représentés doivent tous répondre à la même question : “Que veux-tu être quand tu seras grand ?”, et revenir avec des accessoires ou des costumes qui représentent leurs aspirations pour l’avenir.
Le résultat est inspirant, parfois saisissant, parfois drôle. C’est un jeu magnifique : on est créatif tout en imaginant ce que nous pouvons réaliser dans la vie. Dans la dernière exposition du projet à New York, la série présentée montre les espoirs et les aspirations de jeunes filles aux prises avec des crises ou des conflits humanitaires. Ces filles ont peu ou pas accès à l’école.
“Le résultat est inspirant, parfois saisissant, parfois drôle”
En explorant les visions de l’avenir de chacune d’entre elles, la série rappelle aux spectateurs une humanité partagée et offre un aperçu unique de leur situation et de leurs défis actuels, ainsi que de la manière dont elles peuvent façonner leur avenir.
Comment as-tu eu l’idée de cette série ?
Le projet a commencé comme une simple expérience : c’était une façon de jouer à un jeu avec les enfants que je rencontrais tout en racontant l’histoire de personnes déplacées en République centrafricaine. C’était en 2014, et une communauté de musulmans était hébergée dans une église depuis plus d’un an.
Ils ne pouvaient pas en partir, car ils craignaient d’être tués. Les enfants ne pouvaient pas aller à l’école car celle-ci avait été détruite. Lors d’une interview, je me souviens d’une fille qui a commencé à pleurer en me racontant son histoire. Cela m’a poussé à réfléchir à la manière dont je pourrais raconter les histoires de ces enfants en mettant l’accent sur les possibilités de leur avenir plutôt que sur les traumatismes de leur passé et leur survie quotidienne.
“L’originalité de ces enfants m’a émerveillé, notamment par ce qu’ils ont pu exprimer avec pratiquement rien”
Je suis revenu avec une mission pour ces enfants : “Trouvez ou fabriquez un costume qui représentera ce que vous voulez être quand vous serez grands et je vous ferai un portrait.” À ce moment-là, je ne savais pas si cela fonctionnerait, mais je savais que ce serait au moins amusant. L’originalité de ces enfants m’a émerveillé, notamment par ce qu’ils ont pu exprimer avec pratiquement rien.
Je suis devenu curieux de savoir quels résultats j’obtiendrais ailleurs. J’ai commencé à reproduire cette idée alors que j’étais en reportage dans d’autres pays touchés par une crise. En République démocratique du Congo, au Niger, en Irak, etc. À ce jour, une vingtaine de nationalités est représentée dans le projet One Day I Will.
Les choix des enfants reflètent leur expérience quotidienne : ce qu’ils ont vu autour d’eux, ce que leurs parents ont fait, les personnes qui ont directement influencé leur vie. Beaucoup des désirs représentés sont pragmatiques, d’autres sont plus ambitieux.
Pourquoi est-il important de documenter cela ?
Cela montre l’humanité et l’espoir, même dans les endroits où les gens souffrent durant des crises humanitaires ou des conflits. Ces portraits montrent comment le monde que nous donnons à ces jeunes influence directement leurs souhaits pour l’avenir et façonnera notre monde au cours des prochaines décennies.
Mes images montrent la réalité. Mais vous pouvez aller au-delà des images pour parler de questions telles que l’éducation, le mariage d’enfants et la façon dont nous devrions donner aux jeunes générations la possibilité d’apporter des changements positifs à leurs communautés. Ils sont l’avenir.
Dans quelle mesure est-il important, pour toi, de souligner à quel point les filles sont touchées en particulier par ces conflits ?
À ce jour, des millions de filles sont privées d’éducation. En situation de guerre, elles sont retirées de l’école. Parfois, elles sont retirées de l’école parce qu’elles doivent s’occuper de leur famille. Et parfois, les filles sont sorties de l’école, simplement parce qu’elles sont nées filles et elles seront forcées à se marier tôt.
Les jeunes filles ont 2,5 fois plus de risques de ne pas être scolarisées que les garçons. Malheureusement, la réalité des femmes et des filles piégées par les crises et conflits fait rarement la une des journaux.
Si tu devais photographier les mêmes filles cinq ans plus tard, qu’espères-tu voir changer ?
Si je devais photographier les mêmes filles dans cinq ans, j’espère les voir sur leur chemin pour réaliser leurs rêves. J’espère les voir étudier à l’université pour la plupart d’entre elles. Je retrouverais ces filles dans dix ans et reprendrais leur portrait, mais cette fois habillées en ce qu’elles sont devenues. De cette façon, nous pourrons voir si la communauté internationale leur a donné la possibilité de réaliser leurs ambitions. Ce sera une façon de faire face à nos responsabilités.
Quel message souhaites-tu transmettre ?
Je souhaite envoyer un message d’espoir. Je suis convaincu que là où il y a une volonté, il y a un moyen. Ces jeunes sont inspirants, créatifs et ont pour ambition de faire de notre monde un endroit meilleur. Nous devons simplement leur donner la chance de le faire.
Le projet est-il toujours en cours ?
J’ai commencé ce projet en 2014, et il est toujours en cours. Il a déjà été exposé à New York, à Tokyo, à Istanbul, à Genève, à Londres et à Dakar. Je prépare également la sortie du livre, prévue pour l’année prochaine !
En parallèle, j’ai créé une fondation dont le but est de continuer à sensibiliser, au travers de projets artistiques, à l’importance de l’éducation, mais aussi d’aller au-delà de ces portraits, et de donner à ces jeunes les moyens de réaliser leurs ambitions.
Vous pouvez retrouver le travail de Vincent Tremeau sur son site et sur son compte Instagram.