L’an dernier, la galerie new-yorkaise Richard Taittinger Gallery accueillait “The Female Lens”, une exposition entièrement consacrée aux travaux inspirants et engagés d’une dizaine de femmes photographes. En présentant les clichés de l’Américaine Diane Arbus, de l’Iranienne Maryam Eisler, de la Suédoise Arvida Byström, de la Sud-Africaine Frances Goodman ou encore de la Belge Charlotte Abramow, la rétrospective explorait la façon dont le regard de ces femmes questionne les concepts de féminité, de sororité, de genre, de mixité, de privilège ou encore d’oppression.
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Hélène Tchen s’inscrit dans ce mouvement. Née à Paris, où elle vit encore aujourd’hui, cette photographe de 28 ans a fait de ses photos à l’univers kitsch et onirique un moyen de capturer la diversité de la beauté féminine. “J’ai eu un vrai déclic lorsque j’ai découvert les travaux de photographes féministes telles qu’Harley Weir, Petra Collins, Francesca Allen, Hollie Fernando… ça m’a vraiment éveillée”, se souvient-elle pour Cheese.
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“Je m’étais toujours sentie féministe au fond de moi, mais je continuais à agir selon les obligations sociales, à tolérer tous ces agissements sexistes, machistes”, poursuit-elle. “Avec elles, j’ai commencé à tout réapprendre, à me redécouvrir, à redécouvrir le corps de la femme, sa diversité… Et à réaliser à quel point la façon dont la société traitait les femmes, notamment les femmes racisées, était juste inadmissible.”
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“Plus jeune, je ne m’appréciais pas du tout en tant que femme asiatique”
Suite à cette prise de conscience, Hélène Tchen se met à photographier de plus en plus de femmes racisées. Entourée de ses proches collaboratrices – la styliste Maud Dupuy et la make-up artist Rika Bitton – elle immortalise la beauté de femmes métisses, noires et surtout asiatiques, à l’instar de Mao Xiaoxing, récemment aperçue aux côtés du rappeur Ichon dans le dernier clip de Duñe et Crayon.
“Des femmes qui me ressemblent”, souligne l’intéressée dans un sourire. Les photographier lui a permis de renouer avec un héritage culturel qu’elle a de longues années durant rejeté, face à une société qu’elle n’hésite plus à qualifier de “raciste”, nous confie cette petite-fille d’immigrés chinois.
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“En grandissant, je me suis rendu compte que la France était clairement raciste”
“En grandissant, je me suis rendu compte que la France était clairement raciste – et l’est encore malheureusement énormément à l’égard de nombreuses nationalités et origines”, rembobine notre artiste. “Le racisme asiatique est, à mes yeux, quelque chose de très invisibilisé. Les gens sont limite choqués quand je leur dis que j’ai subi du racisme toute ma vie ! Les Asiatiques ont tendance à être plus discrets et résultat, les gens se disent que c’est OK de se foutre de leur gueule… Il y a tellement de clichés qui sont insupportables !”
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Et d’ajouter :
“Plus jeune, forcément, je ne m’appréciais donc pas du tout en tant que femme asiatique – j’aurais même bien aimé ne pas l’être. Et puis j’ai commencé à prendre de plus en plus de filles asiatiques en photo, et j’ai compris que j’étais hyper attirée par ça, que ça réveillait quelque chose en moi. Je me disais : ‘Mais elles sont trop belles !’ Ça m’a réparée. Résultat aujourd’hui, c’est vraiment une priorité pour moi d’avoir un casting asiatique.”
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Rendre visible “la beauté et la simplicité des femmes asiatiques”
En 2019, lors d’un voyage à Toronto (qui recense l’une des plus importantes communautés chinoises au monde), la Parisienne a même signé le début d’une série photo exclusivement consacrée aux femmes chinoises. “En marchant dans les rues de Toronto, j’ai senti que c’était normal pour les gens qui vivaient là-bas de vivre avec une forte diversité culturelle”, décrit-elle. “Naturellement, j’ai commencé à prendre des filles asiatiques en photo, et… j’ai fini par me rendre compte que ce n’était que des filles chinoises ! C’est comme ça que cette idée est née.”
Et lorsqu’on lui demande de nous parler de sa photo préférée, Hélène Tchen n’hésite pas une seconde : elle choisit un cliché réalisé dans le cadre de ce projet. “Ça ne ressemble pas trop à ce que je fais d’habitude, moi qui shoote plutôt en intérieur, qui travaille mes lumières en studio”, commente-t-elle. “Mais je l’adore parce qu’il y a un truc hyper étrange, hyper mystique qui s’en dégage, avec juste ce trou de lumière de fin d’après-midi qui tombe sur cette fille…”
Au sujet de cette série photo, qu’elle espère un jour matérialiser en livre ou en exposition, Hélène Tchen précise : “J’ai vraiment hâte de lui donner vie. J’aimerais d’ailleurs aller en Chine, où je ne suis encore jamais allée, pour photographier des femmes chinoises.”
En attendant de donner vie à ce projet nécessaire, via lequel elle entend bien rendre visible “la beauté et la simplicité des femmes asiatiques”, Hélène Tchen continue à dessiner les contours de son travail photographique onirique et inclusif. “Quand je décris mes photos, j’utilise souvent les mots ‘dreamy’, ‘kitsch’, ‘intime’ et surtout : il faut que ce soit ‘humain'”, conclut la photographe. “Que ça puisse toucher tout le monde. J’aime me dire que mon travail est complet parce que tout le monde peut y participer, et s’y identifier.”
Retrouvez le travail d’Hélène Tchen sur Instagram.