AdeY est un artiste britannique à l’univers décalé, qui capture à travers ses images des moments d’oppression sociale, d’humour, d’isolation, tout en questionnant notre place au sein de notre environnement.
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Très sensible à notre rapport à la nature et à l’environnement, AdeY traite en images de problématiques contemporaines ayant trait aux genres, aux attitudes normatives et à la pression qu’exerce la société. Tout en mettant en lumière les relations entre le corps et la nature, AdeY propose une réflexion sur notre façon de nous adapter à notre environnement, et dont celui-ci s’adapte à nous.
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C’est en 2004 que l’artiste commence à s’intéresser à la photographie, fasciné par la texture des impressions d’images. Afin de se familiariser avec cet art, il nous raconte avoir pris des milliers de photos “ennuyeuses et banales” qui lui ont permis d’apprendre à manier son appareil photo comme un véritable outil artistique.
Si l’artiste, actuellement basé en Suède, avoue avoir trouvé dans la photographie un medium pour affirmer sa voix et trouver son identité propre, ses photographies ne sont pas pour autant difficiles d’accès ou trop personnelles. Au contraire, la liberté qui en émane laisse champ libre aux interprétations et ressentis des spectateurs. Nous avons rencontré le photographe afin qu’il nous parle plus en détail de son processus de création et de ses intentions artistiques.
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Cheese : Peux-tu nous parler de tes images, en particulier de leur composition et de ton attrait pour la photographie de nu ?
AdeY : Je compose mes images de façon assez ordinaire, selon différents facteurs, mais je fais particulièrement attention aux connections du corps au corps ou du corps à l’espace. Mes images présentent effectivement des modèles nus, cependant je cherche activement à démontrer que nudité et sexe ne sont pas forcément liés. Un travail peut traiter de sexualité sans toucher à l’exploitation de la forme humaine. Je souhaite montrer que la nudité n’a pas besoin d’objectiver les corps, mais qu’au contraire, elle peut montrer notre force et notre vulnérabilité.
Tu caches les visages de tes modèles la plupart du temps et joues avec les genres, comment cela t’est-il venu ?
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Au tout départ, j’ai décidé de ne pas me concentrer sur les visages, dans une tentative de rébellion contre la photographie commerciale, qui nous inonde de ses images au quotidien. Mes concepts ont ainsi grandi autour de ce choix avec le temps et je me suis concentré de plus en plus sur les corps et les jeux sur les rôles des genres. Mon exploration ludique du genre est en quelque sorte ma vision du monde futur.
Dans ta dernière série tu joues beaucoup sur les mouvements de multiples corps, qui finissent par créer de nouvelles formes, jusqu’à parfois atteindre une sorte de surréalisme. Es-tu en train d’évoluer vers un travail toujours plus abstrait ?
Je pense que mes images ont toujours eu quelque chose d’abstrait, mais il est clair que mon travail évolue avec le temps. C’est marrant que tu parles de surréalisme, parce que c’est un courant qui a vraiment inspiré mon travail par son côté mystérieux et son invitation ouverte à la perception des spectateurs.
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Je remarque aussi que tu as photographié ta dernière série en extérieur, les corps sont placés au bord du rivage, près de rochers ou de bois, des éléments assez purs. Qu’est-ce que tu voulais exprimer à travers ces choix ?
Encore hier, j’étais assis dans un parc et je regardais des gens qui étaient venus profiter de la nature tout en passant leur temps scotchés à leur iPad. Les éléments purs de mes photos représentent mon aspiration à un retour à une connexion à la nature, ainsi que mon sentiment que cette connexion manque à notre société contemporaine.
Comment trouves-tu tes modèles ? Les diriges-tu de façon très précise ?
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Tous les modèles avec lesquels j’ai travaillé connaissaient mon travail avant de poser pour moi, la plupart d’entre eux sont des amis. Je parle beaucoup avant et pendant le shooting, afin de donner une idée aux modèles de ce que j’essaie de créer. Je dirige énormément les modèles, mais j’adore quand certains font des suggestions qui nous permettent d’explorer des directions tout à fait différentes.
Peux-tu me parler un peu de ton processus créatif, comment trouves-tu tes idées ?
Mes idées viennent de tellement de sources d’inspiration différentes ! Quand j’ai commencé, elles venaient principalement de mes propres sentiments d’isolation et de vulnérabilité. Cependant, aujourd’hui, je me sens davantage inspiré par les personnes que je rencontre et à qui je demande de les photographier. Je veux montrer ce que je vois en eux et qui n’est pas toujours visible.
Je le dis très souvent, mais ma haine des aéroports représente aussi une grande source d’inspiration pour moi. Ils comportent tout ce que je déteste : des pièges commerciaux aux publicités ridicules en passant par les passagers frustrés ou trop enthousiastes qui passent et repassent sans cesse. Que demander de plus ?
Les lieux et espaces peuvent aussi grandement structurer l’évolution d’un shooting. Même si j’ai une idée bien précise en tête, tout peut changer très vite quand je commence à suivre le courant des idées, selon où et avec qui je me trouve, et les interaction que nous avons avec l’espace.