C’est le début du printemps et le cycle zodiacal s’ouvre avec le flamboyant et persévérant Bélier. Pour représenter ce signe fonceur et entêté, nous avons choisi le travail de l’artiste engagée Niki de Saint Phalle.
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Un signe de feu
Le Bélier est un signe de feu, élément auquel on associe des caractéristiques d’ambition, d’énergie, de dynamisme. Autrement dit, le Bélier n’a pas froid aux yeux et ne se laisse pas décourager pour foncer, tête baissée. Ces valeurs collent parfaitement à Niki de Saint Phalle et à son travail artistique, qu’elle a commencé vers 22 ans, en autodidacte. Téméraire, elle devient mannequin à 17 ans après avoir accepté l’offre d’un homme tout juste rencontré à un bal.
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Mariée à 18 ans, mère à 21 ans, elle est hospitalisée en psychiatrie à l’âge de 22 ans, souffrant d’une décompensation psychotique provoquée par les viols qu’elle a subis dans l’enfance, perpétrés par son père. C’est pendant ce séjour à l’hôpital que Niki de Saint Phalle, qui dessinait déjà des “dessins complexes, avec d’innombrables lignes courbes”, tel que le rapporte le Grand Palais, se consacre à la peinture.
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Niki de Saint Phalle est l’autrice d’œuvres et de projets empreints de son style et de son histoire. Loin de faire les choses à moitié, l’artiste créait des œuvres qui ne laissaient personne indifférent·e. Parmi ses performances les plus marquantes, on retient Tirs, un projet commencé en 1961. L’artiste, tireuse d’élite, peignait à la carabine sur des grandes toiles de plâtre et invitait son public et d’autres artistes à en faire de même, pour purger leur colère et expier leur souffrance.
Un signe représenté par… la tête
Premier signe du calendrier zodiacal, le Bélier est représenté par le haut du corps, et plus précisément par la tête – qu’il garde volontiers baissée pour foncer vers de nouveaux projets. Cependant, cette fougue et cette impulsivité s’accompagnent d’un versant plus sensible et vulnérable.
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La puissance des œuvres de Niki de Saint Phalle est justement liée à la dimension cathartique de son travail : “Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme et fournissait une structure organique à ma vie sur laquelle j’avais prise. C’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi dans mon travail”, confia-t-elle une fois sortie de l’hôpital.
Niki de Saint Phalle a attendu de nombreuses années avant de pouvoir exprimer par des mots son passé de victime d’inceste. C’est dans les années 1990, plus de cinquante ans après les faits, qu’elle écrit Mon secret, ouvrage sous forme de lettre à sa fille. Sur la couverture de ce livre, une tête de mort apparaît.
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Auparavant, ce sont les pinceaux qui lui permettent de s’exprimer : “J’ai commencé à peindre chez les fous, à l’âge de 22 ans, atteinte de dépression nerveuse. J’y ai découvert l’univers sombre de la folie et sa guérison, j’y ai appris à traduire en peinture mes sentiments, les peurs, la violence, l’espoir et la joie.”
Coïncidence, la dernière œuvre massive de l’artiste est intitulée La Cabeza (ou “la tête” en français). Elle représente une immense tête de mort sertie de miroirs, de coquillages et de pierres colorées. Réalisée en 2000, deux ans avant le décès de l’artiste et alors que cette dernière souffrait d’une santé fragile, la sculpture se veut rassurante quant à la mort. Les enfants étaient invité·e·s à entrer et à jouer dans cette immense structure de mousse, d’acier et de résine sous forme d’offrande à la mort.
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Un signe cardinal
Comme le Capricorne, le Cancer et la Balance, le Bélier fait partie des signes cardinaux, c’est-à-dire qu’il ouvre une saison. Plus spécifiquement, le Bélier est un signe porteur d’initiative, qui s’épanouit dans l’action et la création. Forte d’une carrière longue et prolifique, Niki de Saint Phalle est l’autrice de travaux souvent monumentaux, vibrants, spectaculaires et colorés.
Ses œuvres sont visibles à travers le monde. Ses célèbres Nanas, des sculptures rondes et hautes en couleurs qui surplombent le public et affirment la puissance des femmes, sont installées en Suisse, en Allemagne, en Suède, en Corée du Sud, en France ou encore aux États-Unis.
À l’exemple de ses œuvres, réalisées en collaboration avec Jean Tinguely pour la fontaine Stravinsky parisienne, Niki de Saint Phalle insistait pour que son travail vive, en grand, dans l’espace public. Elle s’est ainsi détachée des circuits traditionnels et élitistes du monde de l’art – et du monde dans lequel elle a grandi. Une preuve supplémentaire de ses volontés d’indépendance, de modernité et de non-conformisme.
Connue comme l’une des plus grandes artistes occidentales du XXe siècle, Niki de Saint Phalle n’a pas toujours fait l’unanimité mais son travail a toujours suscité des réactions. En 1967, le magazine New York introduisait un article sur une de ses installations en affirmant : “Certains aiment, d’autres détestent, ou sont morts de peur. Tout le monde réagit”, rapportait l’AFP en 2021.
Un signe endurant
Niki de Saint Phalle a placé l’art au cœur de sa vie, au cœur de ses traumatismes. Son travail et son existence sont également indissociables de son engagement social. Féministe revendiquée, l’artiste n’hésitait pas à rembarrer les journalistes sexistes et critiquait une société patriarcale où le rôle des femmes était cantonné au foyer. Elle décrivait ses Nanas comme des femmes “libérées du mariage et du masochisme”, rapporte Beaux-Arts. “Elles sont elles-mêmes, elles n’ont pas besoin de mecs, elles sont libres, elles sont joyeuses.”
Elle dénonçait également le racisme et les violences faites aux personnes noires. Plusieurs de ses Nanas sont noires, soulignant les injustices et la misogynoir subies par les femmes noires. Au début des années 2000, elle débute Black Heroes, une série de sculptures dédiée à des personnalités noires telles que Joséphine Baker, Michael Jordan ou Miles Davis.
Elle est également une des premières artistes à parler de l’épidémie du sida et à vouloir éveiller les consciences. Elle réalise de grands phallus colorés, des timbres “Stop sida” pour La Poste suisse ainsi qu’un film et un ouvrage, en collaboration avec son fils, intitulés Le sida : tu ne l’attraperas pas. Celle qui affirmait vouloir “un jour [faire] un livre pour apprendre aux enfants comment se protéger” des violences sexuelles a consacré sa vie et son œuvre à tenter de réparer les fêlures et les injustices.