Lorsqu’on pense à Marc Chagall, viennent souvent en tête des images de toiles chamarrées, son amour des chèvres ou son impressionnante fresque dévoilée à l’opéra Garnier en 1964, mais pas forcément son travail du verre. C’est pourtant ce que le Centre Pompidou-Metz souhaite actuellement mettre à l’honneur, avec l’exposition “Chagall. Le passeur de lumières”.
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Le lien du peintre avec les églises vient de son respect pour les lieux de recueillement et son admiration pour le pouvoir narratif de la Bible. Né dans une famille juive, Marc Chagall est sensible à la religion mais “n’a jamais eu de rapport dogmatique à la Bible”, souligne la commissaire de l’exposition, Elia Biezunski : “Il disait qu’il n’illustrait pas la Bible mais qu’il la rêvait.” C’est parce qu’il considère le livre sacré comme un support de création qu’il lui vient en tête, au tout début des années 1950, de rassembler en un même lieu “un cycle de peintures bibliques”.
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L’art comme réponse à l’horreur de la guerre
Rapidement, Marc Chagall se demande s’il est “assez légitime, en tant que Juif, pour créer dans une église”. Le chanoine Jean Devémy lui donnant sa bénédiction, le peintre d’origine russe dédie sa céramique La Traversée de la mer Rouge, sa première œuvre pour une église : “Au nom de la liberté de toutes les religions.”
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Réalisé une petite décennie après la fin de la guerre, le vitrail est lourd de symbolique. “Il l’a réalisé dans l’idée d’œuvrer pour la liberté humaine et d’incarner cette possibilité”, affirme Elia Biezunski, ajoutant que pour Chagall, dans les années 1950, ” la religion pouvait représenter une forme de résistance face au nazisme”.
En 1952, il expliquait d’ailleurs que si, dans sa Crucifixion en jaune de 1942, on observe un Christ juif au-dessus d’un village en feu rappelant les pogroms, c’est parce qu’il s’agissait là de la meilleure façon de représenter la Shoah, selon lui. Ainsi, le travail de Marc Chagall se pare d’une volonté d’éveil des consciences, “avec un caractère intemporel, une réflexion sur la souffrance humaine”, analyse la conservatrice de l’exposition.
L’idée de l’art au service de la paix est accentuée par plusieurs projets menés par des peintres d’après-guerre (dont Chagall, Henri Matisse, Georges Braque ou Georges Rouault), sous l’impulsion de Paul Bony et Adeline Hébert-Stevens. Le couple œuvre à remplacer les vitraux détruits durant la guerre par un travail mêlant, de façon équilibrée, art et artisanat.
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Traduire la peinture sur verre
Peu après sa collaboration avec l’atelier Bony, Marc Chagall fait une rencontre déterminante, auprès des maîtres verriers Charles Marq et Brigitte Simon. Ensemble, et au fil des années, le trio affinera sa technique et son entente, réalisant des vitraux lumineux, chargés des couleurs propres à Chagall.
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Brigitte Simon et Charles Marq iront jusqu’à créer un immense répertoire de sa palette de couleurs sur verre, afin de conserver au mieux la patte reconnaissable du peintre. Certains de ces morceaux de verre teinté sont exposés au Centre Pompidou-Metz, permettant au public d’admirer la minutie de cette collaboration, ainsi que la façon dont la lumière accroche à ce matériau qu’on ne voit habituellement que de très loin dans une église.
Le musée a eu la chance de se faire prêter nombre de vitraux et céramiques, dont certains n’avaient jamais été exposés ailleurs que dans leur église et ont pu être déplacés pour réfection. Afin de bien saisir la façon dont Chagall jouait sans discontinuité avec différents supports et matériaux (qu’il s’agisse de la peinture, du vitrail ou du collage) qui se nourrissaient les uns les autres, l’exposition juxtapose vitraux, toiles, céramiques, études, ainsi que deux petits films explicatifs dévoilant les procédés techniques du grand peintre et de Charles Marq.
L’exposition “Chagall. Le passeur de lumières” est visible au Centre Pompidou-Metz jusqu’au 30 août 2021.
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Konbini arts, partenaire du Centre Pompidou Metz.