Se replonger dans les albums photo de nos parents à l’époque où nous n’étions pas encore né·e·s a toujours une saveur particulière. Imaginer leur vie d’enfants, d’ados puis de jeunes adultes – inconnu·e·s des responsabilités qui incombent à la parentalité – est toujours compliqué pour un·e enfant.
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Pour mieux comprendre l’histoire de sa mère, Lebohang Kganye, établie à Johannesburg, a décidé de se plonger dans son passé au sens propre. Telle une projection actuelle de sa maman, l’artiste trentenaire est venue se greffer aux vieux clichés sur lesquels elle apparaît.
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Écrire une histoire commune
Sa série Ke Lefa Laka – Her-Story (“mon héritage – son histoire”) a été réalisée entre 2012 et 2013, six ans après la mort de sa mère. “J’ai commencé à chercher des traces de ma mère dans la maison. J’ai trouvé de nombreuses photos et vêtements qui avaient toujours été là, mais que j’avais laissés de côté au fil des années”, détaille l’artiste sur la plateforme curative de photographie PhMuseum.
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Inspirée par La Chambre claire de Roland Barthes, la photographe sud-africaine a sélectionné une poignée de ces images, avant de se rendre sur les lieux immortalisés vêtue des mêmes tenues que sa mère et d’adopter des poses similaires. Résultat de ces photomontages, Lebohang Kganye apparaît comme un fantôme planant au cœur des jeunes années de sa mère.
Cela se traduit par une superposition de l’artiste en transparence, ainsi qu’un léger décalage par rapport à sa maman, venant marquer le temps et l’écart générationnel qui les séparent. “Contrairement à Barthes cependant, je ne sais pas si j’ai trouvé ce que j’ai cherché dans ces traces fantomatiques. Ma reconnexion avec elle est devenue une manipulation visuelle pour ‘son – notre’ histoire.”
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Un endroit, deux époques
Loin de venir brouiller les images originales, cette doublure leur confère une profondeur spirituelle et porte nécessairement une réflexion sur les liens familiaux et la vie d’un parent. Mais surtout, ce voyage dans la jeunesse de sa mère a participé au deuil de l’artiste, lui permettant d’établir une connexion visible avec elle.
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S’il parle indéniablement de la perte d’un être aimé, ce projet aborde également la construction de l’histoire et de l’identité, en tant que famille comme en tant qu’individu. La mère et la fille ont beau avoir grandi au même endroit, toutes deux ont connu un pays différent.
La première a évolué dans une Afrique du Sud divisée par l’apartheid, tandis que la seconde naissait un an après l’abolition de celui-ci. Si les images confondent Lebohang Kganye et sa mère dans la ressemblance de leurs traits comme de leurs postures, leurs vécus respectifs restent bien distincts, façonnés par un contexte politique, familial et culturel propre à chacune.
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