Wendy Huynh vit entre la région parisienne (où elle a grandi avec ses parents “immigrés du Vietnam”) et Londres (où elle a fait ses études et travaille actuellement). Les kilomètres n’ont pas effacé une constante de son quotidien : le racisme. Un racisme exacerbé par la pandémie due au Covid-19 et la multiplication des crimes racistes qui a suivi.
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Pour le Guardian, la photographe a signé une série de douze portraits de femmes asiatiques vivant à Londres afin de “susciter une prise de conscience et représenter une communauté trop souvent mal représentée dans les médias”. Ses images, prises en lumière naturelle chez les modèles ou dans des endroits qu’elles connaissent bien, sont empreintes d’un mélange de douceur et de gravité, renforçant l’idée d’un appel à la résistance. Depuis Londres, Wendy Huynh a répondu à quelques-unes de nos questions concernant sa série.
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Konbini arts | Bonjour Wendy, on s’était rencontrées à l’occasion du lancement de ton magazine en hommage aux banlieues, Arcades. Peux-tu nous parler de ton nouveau projet ? Qu’est-ce qui l’a motivé ?
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Wendy Huynh | J’ai démarré cette série de portraits en avril 2021. Cela faisait plusieurs années que je voulais parler de la communauté asiatique, raconter l’histoire et les origines de ma famille et, surtout, parler du racisme.
Le racisme envers les Asiatiques est un problème auquel ma famille, mes proches et moi-même faisons constamment face dans notre quotidien. Depuis le début de la pandémie, le problème s’est aggravé : le Covid-19 est devenu une excuse pour être activement raciste envers les Asiatiques, provoquant de nouvelles stigmatisations.
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C’est un problème dont on parle peu dans les médias, surtout en Europe, et peu aussi au sein de la communauté même qui, très souvent, n’ose pas parler afin de se faire accepter par la société actuelle. Les manifestations Black Lives Matter m’ont beaucoup aidée à me remettre en question et ont offert leur reflet sur ce qui se passait au sein de notre communauté. Elles m’ont motivée à parler pour la communauté.
Qui sont les personnes que tu as photographiées ?
Mes modèles sont un mélange de proches, d’amies d’amies et de personnes que je ne connaissais pas avant d’avoir fait leur portrait. J’ai voulu avoir des profils divers – des cheffes, des designers, des professeures de chinois, des footballeuses amatrices, des autrices, des vidéastes, etc. Je les ai rencontrées et photographiées chez elles, je voulais les capturer dans un environnement qui leur était propre, familier et surtout dans un espace dans lequel elles se sentaient en sécurité.
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“Ça a été thérapeutique de rencontrer ces femmes”
Pourquoi avoir choisi de photographier uniquement des femmes ?
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J’ai su dès le début que je voulais commencer la série avec des femmes car j’estime qu’il existe une discrimination et stigmatisation plus importante envers les femmes asiatiques, qui subissent sexisme et racisme.
Ça a aussi été thérapeutique pour moi de les rencontrer, de prendre le temps de parler à chacune d’entre elles et de les photographier. J’ai vraiment senti comme une force et motivation en voyant la série de portraits à la fin, comme si on avait maintenant un lien qui nous unissait.
“Je pense qu’on est maintenant à un stade où beaucoup d’entre nous se sentent prêts à parler du racisme, à partager notre expérience et à inspirer les générations suivantes à faire de même”
Comment leur as-tu proposé le projet et comment ont-elles réagi ?
Je leur ai simplement expliqué que je voulais commencer une série de portraits de femmes asiatiques, de l’est et du sud-est asiatique, afin de célébrer la communauté et d’ouvrir une conversation sur le racisme envers les Asiatiques. Tout le monde a été réactif et a accepté sans hésitation. Je pense qu’on est maintenant à un stade où beaucoup d’entre nous se sentent prêts à parler du racisme, à partager notre expérience et à inspirer les générations suivantes à faire de même.
“Je veux représenter un visage honnête de la communauté asiatique et transmettre la beauté et la diversité de notre culture”
Tes portraits sont en couleur, très doux et intimistes : pourquoi avoir fait ces choix ?
Je veux représenter un visage honnête de la communauté asiatique et transmettre la beauté et la diversité de notre culture. Je veux représenter une communauté qu’on connaît peu et célébrer ces différentes femmes. Je pense également qu’il en va de notre devoir de montrer qui nous sommes et de s’unir au sein de la communauté afin de pouvoir combattre le racisme.
Ces femmes ont été photographiées chez elles à la lumière naturelle afin de créer un ton apaisant car il est important pour moi de commencer cette conversation sur le racisme et la communauté de façon calme et posée, c’est une façon de se faire écouter. Réaliser cette série m’a aussi donné envie de rencontrer et photographier plus de femmes asiatiques dans différentes villes.
Vous pouvez retrouver le travail de Wendy Huynh sur son compte Instagram. Son reportage contre le racisme anti-asiatique est également disponible sur le site du Guardian.