À travers ses portraits, Suzanne Jongmans crée un lien physique entre le passé et la société de consommation moderne.
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Réalisme, travail de la lumière et visages mélancoliques : au premier regard, les portraits de la photographe hollandaise Suzanne Jongmans ressemblent trait pour trait aux plus belles “trognes” de la peinture hollandaise du XVIIe siècle. À y regarder de plus près pourtant, un détail s’impose à l’œil attentif.
Le voile posé délicatement sur la tête d’une femme au visage angélique n’est pas fait de soie mais de plastique. Les rayures dorées d’une manche ne sont pas tissées de fils d’or, mais réalisées avec une couverture de survie. Le corsage d’une robe n’est pas orné de dentelle, mais de papier bulle.
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Avec une extrême inventivité, la photographe hollandaise tisse dans ses images un trompe-l’œil de matières, dans lequel les emballages du quotidien ont remplacé les tissus nobles du passé. Ses séries Kindred Spirits et Mind Over Water prouvent par ce biais qu’il est possible d’inventer une autre réalité en détournant l’œil et l’esprit. Sur son site, elle explique :
“L’idée de pouvoir créer quelque chose à partir de rien change notre regard sur la réalité. Un morceau de plastique imprimé d’un texte, utilisé pour emballer une machine à café ou une télévision, peut ressembler à de la soie. Et le couvercle d’une conserve de purée de tomate peut ressembler à une bague.”
Langage de la matière
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Suzanne Jongmans a eu l’idée en 2007 de fabriquer ces tenues dans le style du XVIe et XVIIe siècle. À court de textile alors qu’elle réalise un test de costume sur un de ses modèles, elle décide d’utiliser la fine pellicule en mousse qui protège ses œuvres d’art pour concevoir un manteau. La manière dont ce matériau laisse passer la lumière, sa transparence, lui rappelle la dentelle des portraits réalisés durant l’âge d’or de la peinture hollandaise. Presque comme une seconde peau dont les coutures s’apparenteraient à des cicatrices.
Quelques années plus tard, la photographe a définitivement troqué dans ses portraits la dentelle pour les emballages plastiques, transformés en symboles du consumérisme moderne, en contraste total avec l’artisanat et les objets allégoriques des peintures du passé.
À travers ces matériaux éphémères, qu’elle récupère dans les poubelles, Suzanne Jongmans explore la vulnérabilité et l’éphémère, donne au passé et au présent une texture et une sensation. Les matières sont sculptées pour devenir de véritables objets d’art photographiques aux détails contemporains, sigles et instructions de recyclage utilisés pour établir un dialogue entre les époques.
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De son travail, la photographe a tiré une expression, “la poésie du textile”, pour évoquer sa démarche qui consiste à créer de la beauté à partir de matériaux jetés au rebut. Et de fait, Suzanne Jongmans avoue pouvoir voir, comme un enfant, “un diamant dans une pierre”.
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