Adepte d’une photo de rue hyperintuitive, Feng Li arpente les rues et les banlieues brumeuses de Chengdu, sa ville natale, dans la province du Sichuan. Dans sa série White Night, il collectionne les drôles d’oiseaux, les édentés, les fous errants ou élégants, et les enfants.
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Feng Li travaille comme photographe officiel du bureau de la propagande de la province du Sichuan. Son travail consiste à illustrer le boom chinois, le développement économique, sur fond de bonheur social. Cela pourrait paraître bien monotone, et pourtant, c’est dans le cadre d’un reportage officiel pour lequel il a dû couvrir une exposition de luminaires qu’il a eu une sorte de révélation.
Quand il arrive sur le site de la foire dans la banlieue de Chengdu, tout est flou autour de lui. Est-ce le brouillard habituel qui recouvre la ville ou les particules fines de la pollution ? Il n’en sait rien, mais tout est diffus et sans contour. Seules les lumières des installations de luminaires scintillent dans ce semi-crépuscule et donnent au lieu une ambiance de film de science-fiction.
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Alors qu’il observe les clignotements d’un immense arbre de Noël et d’une fleur de lotus, il repense à une phrase de la Bible : “Ils rencontrent les ténèbres au milieu du jour, ils tâtonnent en plein midi comme dans la nuit”, et se dit qu’il appellera dorénavant son travail personnel White Night (“Nuit blanche”).
Les créatures sortent la nuit
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Plus de dix ans ont passé depuis cette nuit fantomatique, et voilà autant d’années que Feng Li nourrit White Night. Un ouvrage éponyme de presque 200 pages vient d’ailleurs de paraître chez l’éditeur chinois Jiazazhi. Dans ce livre photo, pas de texte ; les images parlent d’elles-mêmes.
On y trouve un casting improbable d’individus capturés au flash, dont les expressions, les postures ou les habits sont d’autant plus étonnants qu’ils ont tout simplement été saisis dans la vie de tous les jours. Hôtesses en uniforme, vieilles femmes en fausse fourrure, enfants inquiétants… Certains semblent avoir été recrutés dans une fête foraine, tandis que d’autres ont l’air suspect du criminel qui prend la fuite.
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À la différence d’autres photographes chinois actuels, Feng Li ne met rien en scène dans ses photos et n’utilise Photoshop que pour de légers recadrages. Ce qui l’intéresse, c’est le quotidien, et la façon dont l’extraordinaire et l’insolite peuvent en surgir à chaque instant.
De fait, il aime se promener dans les rues commerçantes, déambuler dans les parcs et se laisser porter par la foule des week-ends. C’est avec une sorte de nonchalance qu’il épingle ses plus beaux sujets (un homme unijambiste habillé en lapin ou un paon qui fait la roue), et non pas en rusant comme un chasseur aux aguets. Et c’est peut-être pour cela que l’étrange s’invite toujours dans ses images, comme l’explique Feng Li avec humilité :
“Je ne sais pas si ces images sont des œuvres photographiques, mais elles représentent un autre aspect de la réalité. Je ne suis pas capable de les expliquer, tout comme je suis conscient de ne pas comprendre le monde dans son intégralité. Mon propos ici, c’est de poser des questions, et l’appareil photo est l’outil dont je me sers pour ça.”
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Une chose est sûre, c’est que ses images ne laissent pas indifférent et que le fonctionnaire tranquille deviendra peu à peu un phénomène dans le réseau pointu de la photographie.
Feng Li sera exposé pour la première fois en France du 7 au 19 octobre à la galerie Oberkampf, à Paris.