À travers de magnifiques clichés en noir et blanc, Justin Smith veut montrer le point de vue des manifestants ignorés par les médias et l’ampleur que prend le mouvement Black Lives Matter (les vies noires comptent, en français) dans la ville américaine de Charlotte.
Depuis quelques jours, Justin Smith est en première ligne du mouvement de protestation qui touche la ville de Charlotte, en Caroline du Nord. Armé de son objectif, il documente le tourment d’une ville éprouvée par un énième décès, celui de Keith Lamont Scott, un homme noir abattu par un officier de police il y a une semaine.
Selon The Guardian, au moins 800 personnes ont été tuées par la police aux États-Unis depuis le début de l’année 2016. Deux ans après le soulèvement de Ferguson, rien ne semble avoir changé au pays d’Obama. La frustration et le désespoir de la communauté noire se sont cristallisés il y a quelques jours, avec l’émouvante prise de parole d’une fillette lors conseil municipal de Charlotte.
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Poignantes, les photos de Justin Smith mettent en lumière les aspirations positives qui émanent des manifestations, inspirées par le mouvement Black Lives Matter. Il a accordé une courte interview à Konbini pour partager son sentiment sur sa ville, Charlotte, sur les violences policières et sur l’aide qui peut être apportée à la communauté noire américaine alors que l’Histoire est en train de s’écrire.
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Tu es originaire de Charlotte, en Caroline du Nord. Comment décrirais-tu l’atmosphère de la ville une semaine après le meurtre de Keith Lamont Scott par la police ?
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L’atmosphère est ambivalente, on sent une division. C’est triste de voir certaines personnes refuser de se rassembler autour d’une communauté, mais c’est malgré tout positif de voir les habitants de Charlotte s’impliquer politiquement, particulièrement la jeunesse. Je ressens du mouvement au sein de ma génération. De la créativité. Ça se répand.
Avant le 21 septembre, on ne trouve aucun contenu politique sur ton profil Instagram ou sur ton site. Est-ce que ce sont ces événements en particulier qui ont changé ta façon de travailler ?
Non, j’étais déjà intéressé par la politique. Mais j’ai un problème de curation sur Instagram. Plus tôt cette année, j’ai effacé quasiment l’intégralité de mes publications. J’avais couvert la convention nationale des démocrates et, plus récemment, le mouvement en faveur du mariage homosexuel.
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Mais je suis particulièrement touché par ces manifestations parce que les images que j’ai vues dans les médias ne représentaient pas vraiment le mouvement Black Live Matter tel qu’il est. J’ai voulu saisir l’opportunité de contrecarrer ça et de montrer les aspects positifs de ce mouvement. La photographie m’a aussi donné un moyen d’exprimer ce que je perçois de la réalité, de tous ces gens dont les opinions divergent.
Peux-tu nous en dire plus sur cette représentation du mouvement Black Live Matter dans les médias traditionnels ?
Je pense qu’il y a des actions incroyablement positives et puissantes qui sont menées et que les médias semblent les ignorer. J’avais l’impression que toute cette histoire n’était pas vraiment partagée.
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C’est important de montrer la révolte aussi, elle témoigne des aspirations d’une communauté qui veut être entendue. Mais il faut aussi noter que différentes communautés, ethnies et religions se sont réunies à plusieurs reprises de façon pacifique, depuis plus d’une semaine maintenant.
Que penses-tu de la loi de Caroline du Nord qui autorise les forces de l’ordre à cacher au public certaines images filmées par caméras qu’ils portent sur eux ?
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Ici, dans le comté de Mecklenburg, nous citoyens dépensons 7 millions de dollars pour équiper nos officiers avec ces mini-caméras. Ces images sont à nous, même si elles sont difficiles à regarder. Elles appartiennent au domaine public. Et elles montrent la vérité, quelle qu’elle soit.
Quel est, selon toi, le candidat à l’élection présidentielle le plus en mesure de mettre fin au conflit entre les civils et la police en rétablissant un climat de confiance ?
Je dirais que mes concitoyens, qui ont un peu d’humanité, savent clairement qui a remporté le débat présidentiel et devraient faire leur choix électoral en conséquence.
Pourquoi avoir choisi le noir et blanc ?
C’est osé. Comme c’est un sujet qui compte, ça lui donne du grain, de l’intensité. Le noir et blanc est intemporel.
Traduit de l’anglais par Sophie Janinet.