À 5 ans, Fatma Haddad perd ses deux parents et se retrouve orpheline. Quelques années plus tard, une “intellectuelle française” nommée Marguerite Camina Benhoura entre dans sa vie et la plonge dans le monde de l’art. Selon certaines sources, la Française aurait embauché la petite fille en tant que servante ; pour d’autres, elle aurait fait office de tutrice pour l’enfant. Passionnée de littérature et d’arts visuels, elle soutient le talent bourgeonnant de Fatma Haddad, qui s’épanouit dans la sculpture et la peinture.
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Vers ses 16 ans, le collectionneur et galeriste français Aimé Maeght la remarque à Alger, où elle vit. Ses toiles vibrantes et colorées à la gouache le convainquent de ses aptitudes et, surtout, de sa sensibilité artistique. La fin des années 1940 propulse l’adolescente, sous le pseudonyme de “Baya” puis Baya Mahieddine, dans les sphères de l’avant-garde française.
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Ses œuvres sont exposées à Paris aux côtés d’artistes surréalistes (bien qu’elle refusât toujours de coller une étiquette à son style), elle est photographiée devant ses tableaux pour le Vogue français en février 1948 et son travail connaît succès et rayonnement.
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Plus de 70 ans plus tard, les œuvres de la peintre sont de nouveau exposées à Paris, cette fois-ci à l’Institut du monde arabe, dans le cadre de l’exposition hommage “Baya, icône de la peinture algérienne. Femmes en leur Jardin” qui invite son public à “(re)découvrir le bestiaire énigmatique de ses céramiques, et surtout ses peintures joyeuses et colorées montrant une nature luxuriante, comme une ode à la vie”.
Une influence manifeste
En préambule d’un de ses catalogues d’exposition, André Breton la qualifie (au milieu de comparaisons orientalistes, égrainant des références aux “parfums des Mille et une Nuits” et parlant d’un monde musulman “scandaleusement asservi”) de “reine”. En plus de Paris, Baya Mahieddine découvre le sud de la France. Elle passe plusieurs étés à travailler la céramique auprès de Picasso.
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Ses silhouettes de communautés de femmes, ses aplats de couleurs vives dénués d’ombre et ses traits naïfs rapprochent ses œuvres de travaux de Pablo Picasso, Georges Braque ou Henri Matisse. Ses créations d’autodidacte ont manifestement influencé le travail de nombre d’artistes du XXe siècle.
Une œuvre moderne
Moins connue que ses semblables masculins, européens et plus âgés, Baya Mahieddine est pourtant l’autrice d’une œuvre dense, plurielle et hybride, “mélangeant ses héritages [algérien] et kabyle avec le modernisme français”, précise The Cut. On retrouve dans son travail des questions liées à la féminité et à l’héritage identitaire.
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Son travail – de ses traits aux thèmes soulevés – est d’une grande modernité et trouve encore résonance aujourd’hui, plus de vingt ans après sa mort. Il y a deux ans, une exposition, “Woman of Algiers”, était organisée en son honneur à New York. Aux côtés de ses œuvres était présentée une œuvre vidéo de Zineb Sedira (exposée quelques mois plus tôt au Mucem marseillais) montrant les échanges en différentes langues entre elle, sa mère et sa fille en arabe, français et en anglais.
Cette présentation conjointe atteste de la puissance des sujets et surtout, de la nécessité de les exposer au grand jour, pour un public toujours le plus large possible. Aujourd’hui, en plus des galeries Maeght et de l’exposition organisée à l’Institut du monde arabe jusqu’au 26 mars 2023, on peut retrouver ses toiles entre autres au Musée national des Beaux-Arts d’Alger, au Musée des Arts décoratifs ou à l’Institut du monde arabe à Paris.
L’exposition “Baya, icône de la peinture algérienne. Femmes en leur Jardin” est à voir à l’Institut du monde arabe, à Paris, jusqu’au 26 mars 2023.
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