Après les folles installations visibles lors de son festival artistique “Eldorado“, la métropole lilloise n’en finit pas d’affirmer son intérêt pour le rayonnement de l’art sous toutes ses formes. En attendant son ouverture définitive, courant 2021, l’Institut pour la photographie de Lille présente sept expositions gratuites.
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Visibles jusqu’au 15 décembre, les séries d’images exposées transforment l’ancien lycée qui les abrite en un parcours labyrinthique à travers des thématiques, des époques et des contrées différentes, grâce aux œuvres de Thomas Struth, Laura Henno, Thomas Sauvin, Emmanuelle Fructus, ainsi que des focus autour de Lisette Model, des intérieurs britanniques et des cartes postales du XXe siècle.
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Cette première salve d’expositions s’intéresse à la prégnance contemporaine de la prise d’image et part du constat qu’on n’a jamais autant utilisé la photo individuellement au quotidien qu’aujourd’hui.
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Les 3 500 mètres carrés de l’institut, bientôt rénovés, réuniront en un espace des expositions, une somptueuse bibliothèque agissant pour la conservation de fonds d’archives de photographes, des salons d’éditeur·rice·s, des ateliers et visites guidées, des événements et des programmes de bourses pour des projets inédits – afin qu’en plus d’être vu, l’art photographique soit vécu.
Un tour du monde des photos de famille avec Thomas Struth
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L’artiste allemand Thomas Struth présente à Lille une série, toujours en cours, initiée en 1986 suite à une collaboration avec un psychanalyste qui utilisait “les photographies familiales de ses patients dans son travail thérapeutique”.
Avec sa chambre noire, le photographe a immortalisé des familles à travers l’Europe principalement, ainsi qu’au Japon et au Pérou, demandant à ses modèles de choisir eux-mêmes le lieu et la pose qui leur convenaient.
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En laissant ce choix aux sujets, Thomas Struth propose une étude sociologique de ces familles, qui placent au centre de leur portrait soit une figure patriarcale, soit les enfants, accordent de l’importance tantôt aux ressources matérielles, tantôt aux ressources naturelles, aux liens de la fratrie ou des parents.
Les grands formats sont exposés dans des pièces hautes de plafond habillées de miroirs. L’analyse comparative des portraits, dont les modèles fixent l’objectif de façon très posée – chambre oblige – s’accompagne ainsi d’une confrontation avec les reflets des spectateur·rice·s.
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Lisette Model, mentor des grands noms de la photo
À travers une enfilade de pièces, l’Institut met en regard le travail de la célèbre photographe américaine Lisette Model sur quatre de ses élèves, également devenus des grands noms de l’image : Diane Arbus, Leon Levinstein, Rosalind Fox Solomon et Mary Ellen Mark.
Chaque salle est dédiée aux monochromes d’un·e artiste différent·e tandis qu’un mur présente cinq de leurs œuvres, côte à côte, sur le même thème, celui de la plage de Coney Island. Si Lisette Model n’a jamais utilisé ses propres photos en tant que références dans son enseignement, elle se donnait pour mot d’ordre d’encourager ses élèves à développer leur propre approche et de questionner le monde plus que de simplement le documenter.
Les artistes ont chacun·e à leur façon révolutionné l’art du cadrage, de la composition, des formes et de l’équilibre entre abstraction et réalisme exacerbé à travers des scènes de vie ordinaire et leurs lots d’incongruités, d’inattendus et de détails pris sur le vif.
Home Sweet Home, une plongée dans les foyers britanniques
Au premier étage de l’Institut, dans des pièces plus étroites qui se prêtent davantage à la présentation d’images d’intérieurs, Isabelle Bonnet présente Home Sweet Home, un projet d’envergure exposé aux Rencontres d’Arles 2019 qui présente la richesse de la production photo britannique à travers le thème de la maison.
En réunissant les œuvres de 31 artistes, de Martin Parr à Juno Calypso, la commissaire d’exposition montre la “radiographie sociale et culturelle” d’un pays sous le coup d’une actualité brûlante. L’exposition montre les conflits entre les classes sociales sous Margaret Thatcher, des représentations de la société multiculturelle – en images et à travers une installation – et des problématiques urbaines contemporaines.
Le travail méticuleux d’Emmanuelle Fructus
L’historienne de la photo Emmanuelle Fructus expose 6 110 de ses personnages trouvés, découpés, classés et collés. Depuis 10 ans, la collectionneuse spécialisée dans la photo vernaculaire arpente les brocantes et collecte les images “qui n’intéressent personne”.
L’artiste, qui se voit davantage “comme une couturière”, classe ensuite ses découpages, qui ont toujours exactement la même colorimétrie, selon les teintes des images voire les habits des personnages. Ses classements ne sont jamais anodins et ses tableaux questionnent les rapports de pouvoir, entre hommes, femmes et enfants.
Obsédée par l’idée de rangement, par l’amour de l’image et par la nécessité viscérale de lutter contre la perte et la destruction, elle a créé des tableaux présentant 13 152 personnages, partant du nombre de personnes raflées lors du Vélodrome d’Hiver.
Le monde à échelle réduite, vu depuis Pékin, avec Thomas Sauvin
Depuis dix ans, Thomas Sauvin rachète des centaines de kilos de négatifs dans une zone de recyclage située aux abords de Pékin, qu’il sauvegarde, développe et édite afin de “ravive[r] la mémoire d’une Chine qui se déploie en argentique”.
Son projet Beijing Silvermine regroupe des images d’anonymes ayant un jour visité le Beijing World Park, un parc à thèmes présentant 100 reproductions miniatures de grands monuments, des pyramides de Gizeh à la Tour Eiffel.
Thomas Sauvin mélange des images de personnes posant devant les attractions avec des photos des vrais monuments, pointant avec malice le fait que les mêmes poses se retrouvent devant les faux monuments comme devant les vrais.
La carte postale, ancêtre de la story Instagram
À la fin du XIXe siècle, l’arrivée de la carte postale révolutionne les correspondances. Véritable ancêtre des réseaux sociaux, la carte postale permet à des images de tout à coup voyager facilement à travers le monde.
Les cartes postales rassemblées à l’Institut lillois, en circulation en 1900 et 1940, donnent à voir la transmission d’un imaginaire idéalisé de l’Amérique du Nord. En plus de nous plonger dans les correspondances d’inconnu·e·s – à l’instar des cartes postales échangées entre Roger et Ginette –, les deux commissaires de l’exposition racontent les différentes techniques nécessaires à la création de cartes postales (phototypie, similigravure, photochromie, etc.) et les différents thèmes des illustrations (des vues urbaines, des loisirs, des paysages, etc.).
Au printemps 2020, une deuxième programmation d’expositions habitera l’Institut pour la photographie avant qu’un programme hors-les-murs soit annoncé, le temps que les travaux se finissent. En 2021, le nouveau bâtiment sera inauguré, laissant à la photo une place pérenne au sein de la ville de Lille.
L’exposition “extraORDINAIRE, regards photographiques sur le quotidien” est visible à l’Institut pour la photographie de Lille jusqu’au 15 décembre 2019.