Vous avez dû souvent croiser cette photo de jumelles, signée Diane Arbus, sans même peut-être le savoir. Si non, vous avez très certainement vu leur réplique cinématographique dans Shining de Stanley Kubrick – inspiration que la femme du réalisateur a niée peu de temps après sa mort.
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“Identical Twins”, c’est le nom de cette photographie monochrome iconique, prise en 1967 dans le New Jersey aux États-Unis. Elle représente les vraies jumelles Cathleen et Colleen Wade, côte à côte, leurs mains s’effleurant, vêtues toutes deux d’une robe à col blanc et coiffées d’un bandeau immaculé. Elles se tiennent droites et fixent l’objectif.
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Elles avaient 7 ans quand Diane Arbus a pris leur portrait, et ce dernier deviendra l’un des plus emblématiques de sa carrière. Vendue en 2004 par Sotheby’s pour 478 000 dollars, l’image est aujourd’hui estimée à environ cinq millions d’euros. Retour sur l’histoire d’une rencontre devenue culte.
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La rencontre avec les jumelles Wade
En 1967 donc, Diane Arbus se rend dans la petite ville de Roselle, dans le New Jersey, attirée par une fête de Noël d’un genre tout particulier. Au lieu de célébrer le Christ, on y honorait les jumeaux·elles et triplé·e·s de la bourgade. C’est en se rendant à cet événement que la portraitiste de renom fait la connaissance des jumelles Wade, issues d’une famille nombreuse.
Colleen et Cathleen portaient ce jour-là de belles robes en velours vert. Leurs regards ont tout de suite capté l’attention de la photographe américaine. Armée de son Rolleiflex, elle les place devant un mur blanc et se baisse à leur niveau, face à elles, pour les immortaliser. Ainsi, Diane Arbus, qui aime photographier “la différence”, les marginaux·ales, celles et ceux qu’on nomme “freaks” sans jamais verser dans le sensationnalisme, se retrouvait face à deux êtres identiques et plutôt lisses.
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Le jeu des sept différences
À travers cette image, Arbus explore des thématiques liées à l’identité, la gémellité et l’individualité. Qu’est-ce qui fait notre singularité en tant qu’individu ? Toutefois, même si elles se ressemblent, les filles Wade affichent des expressions faciales différentes. Les spectateur·rice·s peuvent de cette manière s’adonner au jeu des sept différences en contemplant le cliché.
Plus on fixe l’image, plus leurs différences prennent le dessus dans cette symétrie axiale quasi parfaite : un sourire se dessine sur la jumelle située à droite, tandis que l’autre affiche un air morne ; la position du col blanc diffère ; leurs collants aussi ; leurs mains ; puis leur frange… Plus tard, le père des deux sœurs avouera qu’il ne reconnaissait même pas ses filles sur la photo, qu’Arbus est parvenue à les métamorphoser en une image. “Ce sont bien elles, mais on s’est toujours étonnés de voir comment [Diane Arbus] était parvenue à les rendre fantomatiques. Aucune autre photo prise ce jour-là ne ressemble à celle-ci”, a-t-il ajouté pour le Washington Post.
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La symbolique et l’hommage de Kubrick
Cette image a certainement largement inspiré Stanley Kubrick pour ses jumelles de Shining – même si l’épouse du grand cinéaste le nie. Rappelons que le cinéaste était aussi un grand photographe de rue et connaissait très bien les œuvres de Diane Arbus. Dans Shining, la position des deux filles est identique, elles se ressemblent comme deux gouttes d’eau, elles portent un col Claudine blanc et un détail blanc (une barrette) décore leur chevelure. L’une sourit, l’autre non, exactement comme Colleen et Cathleen. Seules différences : les robes, la coiffures et le fait qu’elles se tiennent la main.
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Pour le film comme pour la photo, l’interprétation des critiques convergeait vers une allégorie du Bien et du Mal, de la dualité de notre monde et de la morale, thèmes qui hantent le travail de la photographe de rue. Dans la version “kubrickienne”, les jumelles sont détentrices d’un terrible secret concernant l’hôtel Overlook.
Aujourd’hui, les jumelles ne se souviennent plus de leur rencontre avec Diane Arbus, ni de la fête de Noël de Roselle qui a eu lieu en 1967. En revanche, Cathleen Mulcahy et Colleen Yorke chérissent plus que tout l’héritage laissé par leurs parents et l’artiste.