D’Arthur Rimbaud, on ne connaissait jusqu’ici que sept photographies, dont trois autoportraits flous réalisés à Harar. Dans Arthur Rimbaud photographe, publié aux éditions Textuel, Hugues Fontaine interroge ces quelques clichés pris par le célèbre poète et son projet de devenir photographe professionnel lorsqu’il vivait sur le continent africain. À force de recherches assidues, Hugues Fontaine a découvert trois nouvelles photos inédites attribuées à Arthur Rimbaud.
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De “l’alchimiste du verbe” à “l’alchimiste de la lumière”
Arthur Rimbaud a 27 ans lorsqu’il arrive, en 1880, à Harar en Abyssinie (région située dans le nord de l’actuelle Éthiopie, à l’est du Soudan, et au sud de l’Érythrée). Après avoir abandonné la poésie, le jeune homme “aux semelles de vent” a voyagé pendant plusieurs années avant d’échouer dans la Corne de l’Afrique. Arthur Rimbaud a encore de nombreux projets : il veut être ethnographe, géographe et photographe.
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La photographie étant alors en plein essor, Hugues Fontaine explique bien l’intérêt financier que celui qui est “sorti de la littérature” espère y trouver. Rimbaud, en faisant venir ce qu’on appelle à l’époque un “bagage photographique”, espère d’abord l’utiliser pour illustrer ses articles de géographie, mais aussi l’emmener sur des territoires où la photographie est encore inconnue pour y faire fortune.
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Le “prodigieux linguiste”, comme le désignait son amant Paul Verlaine, se transforme en petit ingénieur, passant de “l’alchimiste du verbe” à “l’alchimiste de la lumière”. Une transition naturelle finalement, si l’on considère que la lumière est un langage en soi.
Trois photographies inédites d’un temps passé
Il est impossible de savoir combien de photographies Arthur Rimbaud a pu prendre lors de sa courte et éphémère passion pour la photographie. Dans son ouvrage, Hugues Fontaine réunit les sept images authentifiées qui sont parvenues jusqu’à nous, décryptant notamment les trois autoportraits ratés sur lesquels le poète semble se cacher.
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Loin d’apporter des réponses aux questions que l’on se pose sur cet autre Rimbaud, qui “grognait comme un sanglier” quand on lui parlait de son passé de poète, ces photographies énigmatiques s’inscrivent dans la construction du mythe du “voleur de feu”. La rareté des images de Rimbaud explique l’excitation de Fontaine lorsqu’il tombe, lors de ses recherches en Autriche, sur trois photos qui lui sont directement attribuées par le collectionneur et voyageur Philipp Paulitschke.
Consignées dans un registre très précis, ces photographies pourraient avoir été prises par Arthur Rimbaud avec l’appareil photo d’un compagnon de route, expliquant qu’on n’en ait trouvé aucune trace auparavant. Les deux premières photographies – réalisées en 1887 – sont sûrement prises à quelques minutes d’intervalle, car on y retrouve le même jeune garçon, à Galla, faisant partie d’un peuple que Rimbaud voulait justement rencontrer.
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Sur la première image, le garçon lave les pieds d’un guerrier ; sur la deuxième, il tient une table en osier au côté d’une petite fille – sa sœur, peut-être ; et sur la troisième, figure une vue de fortifications, prise à une date correspondant au seul et unique voyage de transport d’armes que fera le négociant Rimbaud et qui ternira tant sa réputation. Sans souci particulièrement artistique, les trois clichés traduisent d’abord, comme toutes les photos qui ont été jusqu’ici attribuées à Rimbaud, une volonté de témoignage ethnologique et géographique. Rappelons qu’à cette époque, il écrit au Bosphore Égyptien qui publiera sa lettre ; ce sera le premier texte jamais publié de Rimbaud depuis sa propre édition d’Une saison en enfer…
Comme à chaque fois qu’un nouvel élément lié à Arthur Rimbaud est découvert, il faut rester prudent·e. Depuis la polémique en 2010, sur la présence (ou non) du poète sur une photo prise devant un hôtel à Aden, au Yémen – polémique toujours irrésolue à l’heure actuelle –, on sait que tout ce qui touche à l’iconographie d’Arthur Rimbaud est de l’ordre du sacré.
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Si ces trois photographies sont bel et bien avérées, elles deviendront des reliques, non pas pour leur qualité plutôt banale, mais pour la trace qu’elles contiennent en elles du regard bleu de celui qui fut “à l’origine de la poésie moderne” comme l’attestait l’auteur Roland Barthes. Et surtout, cette nouvelle permettrait d’espérer que d’autres photos soient découvertes, comme le suggère Hugues Fontaine. Dans cet ouvrage qui apporte un nouvel éclairage sur le passage en Abyssinie de “l’ange en exil”, ce dernier lance d’ailleurs quelques pistes de recherches…
Une exposition “Rimbaud – Soleillet. Une Saison en Afrique” est à voir au Carré d’Art de Nîmes, jusqu’au 25 avril 2020.