Il est romanesque de faire de l’artiste une figure de génie, dotée d’un don inaccessible aux communs des mortel·le·s. La réalité est souvent bien éloignée de cet idéal et de plus en plus de critiques et de musées soulignent l’immense travail qui précède toute création, ainsi que la nécessité de faire des erreurs ou de s’inspirer d’autres travaux.
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À Cleveland, le musée des Beaux-Arts de la ville présente “PROOF: Photography in the Era of the Contact Sheet”, une exposition d’envergure consacrée aux planches-contacts d’une flopée de grand·e·s photographes, principalement du XXe siècle et du XIXe siècle. En photo argentique, une planche-contact réunit plusieurs vues d’une même pellicule en positif. Cet aperçu permet aux photographes de décider quelles images valent le coup d’être tirées en grand format.
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L’exposition a pour vocation de dévoiler le processus de travail de grands noms – quasi exclusivement masculins, soulignons-le – de la photographie, tels que Larry Fink, Robert Frank, Philippe Halsman, Irving Penn, Richard Avedon ou encore Diane Arbus. Voir leurs planches-contacts permet de découvrir les coulisses de leurs photos, autant au moment des prises de vue que, plus tard, lors de la sélection d’images.
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Les coulisses des photos
Avoir accès à l’ensemble, ou presque, d’une pellicule permet de donner vie aux photographies et de raconter toute l’histoire qu’une seule image ne parvient à contenir. Les neuf positifs d’une bataille de polochons entre les membres des Beatles nous emmènent à l’intérieur de leur chambre d’hôtel, en 1964, aux côtés du photographe Harry Benson.
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Les essais de Philippe Halsman shootant Marilyn Monroe ne montrent pas seulement l’actrice comme un sex-symbol à la moue boudeuse. On la voit en train de sourire, d’essayer d’autres poses ou de fouiller dans un placard derrière elle. L’exposition est une mine d’or qui rassemble des événements politiques ou culturels : l’assassinat de John F. Kennedy, une manifestation new-yorkaise, une séance photo avec Kate Moss ou Che Guevara en pleine réunion à La Havane.
Suivre le processus créatif de l’artiste
Ces épreuves photographiques sont parfois annotées par leur auteur·rice de cercles qui valident une image et de grandes croix qui en suppriment d’autres. Une planche de Larry Fink montre ses choix de cadrage, réalisés a posteriori. Une photo de trois invité·e·s à un bal du musée d’Art moderne de New York est par exemple transformée en un cadrage serré sur des mains qui se serrent et une poitrine de femme habillée d’un imposant collier. Ces choix modifient complètement l’histoire racontée par le photographe.
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Ces aperçus permettent également de se rendre compte du travail sur le terrain des photographes et de suivre leur réflexion : les changements d’angle, de zoom, de sujets. L’exposition ne constitue pas un hommage à un temps passé alors que la photo numérique a pris le dessus du marché, mais bien une ode à la pratique photographique.
Ces études donneront de l’inspiration autant aux photographes adeptes de l’argentique qu’à celles et ceux qui ne jurent que par les multiples photos faites au téléphone, quitte à en supprimer les trois-quarts ensuite.
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L’exposition “PROOF: Photography in the Era of the Contact Sheet” est visible au Cleveland Museum of Art jusqu’au 29 novembre 2020.