Il y a quelques années, Raffaele Petralla est parti au Bangladesh afin de raconter les conditions de vie d’ouvriers au sein d’une usine de briques. Alors qu’il marchait dans la rue, le photographe a rencontré un hijra, soit, en indien, une personne dont l’identité sexuelle n’est ni féminine ni masculine (“quelqu’un qui est né homme et qui s’habille en femme par exemple”, précise le photographe). Il nous a raconté les circonstances de cette première approche :
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“Les garçons bangladais qui m’accompagnaient à ce moment-là ont commencé à rire et ont pointé un jeune travesti en face de nous. Je me suis approché, on s’est présentés et elle m’a invité chez elle pour boire un thé. Il était clair qu’elle était gênée le long du chemin, me parlant à moi, un homme étranger, puisque les gens dans la rue s’arrêtaient pour nous observer et nous juger.
Quand nous sommes arrivés chez elle, elle m’a présenté à quelques-uns de ses colocataires. Ils étaient tous très gentils. Quand on a commencé à discuter, je me suis rendu compte que leurs histoires devaient être racontées, parce qu’elle étaient toutes si puissantes. J’ai décidé d’arranger des rendez-vous pour mener des entretiens vidéos.”
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C’est un an plus tard que l’Italien est retourné au Bangladesh pour les photographier, dans le cadre de sa série The Third Sex of Bangladesh (“Le troisième sexe du Bangladesh”). Il a fait plus que leur tirer le portrait puisqu’il a passé plusieurs jours avec ses modèles, le plus souvent dans leur maison. Il raconte cependant ne pas avoir pu dormir avec elles la plupart du temps, tant l’espace était limité (certains colocataires dormaient sur le sol tous les soirs).
Un troisième genre marginalisé
Ces groupes de jeunes homosexuels, transgenres et travestis vivant ensemble deviennent rapidement des familles, notamment pour les plus jeunes, des mineurs qui fuguent et se retrouvent dans la rue. C’est cette solidarité et cette vie en collectivité que Raffaele Petralla a immortalisées avec sa série, en même temps que la candeur de ces jeunes se préparant en groupe ou en solo.
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Au Bangladesh, l’homosexualité est considérée comme un crime et est punissable de peines d’emprisonnement, parfois à perpétuité. Les homosexuels subissent fréquemment de violentes attaques. Raffaele Petralla précise que le 26 avril 2016, deux activistes de la cause homosexuelle ont été tués à la machette à Dhaka, la capitale du pays. Il ajoute :
“Depuis 2013, les hijras ont acquis une certaine reconnaissance concernant des droits basiques tels que l’éducation, la santé ou le logement et ils sont maintenant définis comme un troisième genre. Cependant, il y a toujours des victimes de discrimination et de violence au quotidien.
C’est cette situation discriminatoire qui pousse les hijras à vivre ensemble, avec des règles inhérentes à chaque groupe et des hiérarchies. Un ‘gourou’, le plus expérimenté de la communauté, accueille les nouveaux venus que l’on force à mendier et à se prostituer. Cependant, certains (selon une ancienne tradition indienne de Ramayana) sont appelés à bénir des nourrissons à travers un rituel de chants et de danses, signe de bon augure pour l’enfant.”