L’artiste Mark Bradford interroge les clivages raciaux aux États-Unis

Publié le par Konbini avec AFP,

© Patricia de Melo Moreira/AFP

"Ce corps [noir] dans lequel je suis né est toujours politique aux États-Unis."

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Dans une grande exposition qui vient d’ouvrir à Porto, au Portugal, le peintre américain Mark Bradford s’interroge sur les clivages raciaux qui embrasent son pays et sur sa place d’artiste noir engagé, refusant les stéréotypes.

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“Quand j’arrive, les gens réagissent d’abord à ma taille, puis à ma couleur, et après peut-être ils voient Mark… Ce corps dans lequel je suis né est toujours politique aux États-Unis”, explique-t-il à l’AFP lors de la présentation de l’exposition “Agora”, au musée d’art contemporain de la Fondation Serralves. “Je fais face aux stéréotypes chaque jour de ma vie, mais je ne m’identifie pas à eux.”

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Réputé pour ses projets philanthropes, en faveur notamment des jeunes des quartiers du sud de Los Angeles où il a grandi, il refuse toutefois l’étiquette d’activiste. “Je ne suis qu’un artiste, mais nous devrions peut-être élargir l’idée de ce que peut être un artiste”, dit-il, en appelant ses contemporain·e·s à cesser de se représenter les artistes “uniquement comme ces gens tragiques et romantiques qu’ils aiment parfois voir dans les films”.

La Chasse à la licorne

À Porto, une première série d’œuvres inédites s’inspire des tapisseries du début du XVIe siècle représentant La Chasse à la licorne. Sur ces toiles abstraites de plusieurs mètres de large, le motif original est occulté sous plusieurs couches de papier, de peinture et autres matériaux qui forment une texture irrégulière et bigarrée.

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“Dans ces tapisseries mondialement célèbres de la licorne, ce qui m’a frappé, c’est qu’il s’agit essentiellement d’un carnage : quelque chose qui est pris en chasse, quelque chose d’inhabituel, de différent”, dit-il. Cela résonne avec “les débats qui avaient lieu aux États-Unis au sujet des libertés civiques, alors même que des Noirs américains étaient littéralement pourchassés”, ajoute l’artiste de 60 ans.

Cité par le magazine Time parmi les cent personnalités les plus influentes de 2021, il n’avait pas monté une exposition aussi importante en Europe depuis qu’il avait représenté les États-Unis à la Biennale de Venise en 2017.

Obsessions récurrentes

Sur d’autres toiles, sa peinture épaisse, tantôt quadrillée ou lacérée, recouvre des cartes représentant les points chauds des émeutes raciales qui ont secoué Los Angeles dans les années 1960. Là aussi, Mark Bradford trace des parallèles avec les récits entendus dans le salon de coiffure de sa mère, mais aussi avec les émeutes qu’il a lui-même vécues en 1992, l’apparition du sida ou la pandémie actuelle.

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L’artiste trouve des points communs entre ces différentes crises : certains éléments de langage et, surtout, une “obsession intense” pour les cartes et les chiffres, “sans penser aux gens, seulement aux données”. Évoquant trois œuvres réalisées en plein confinement, seul dans son studio, il se rappelle aussi des jours de 1992 où il devait travailler en cachette comme coiffeur, métier qu’il a exercé avant d’entamer ses études d’arts à 31 ans.

L’exposition présentée à Porto jusqu’au 19 juin 2022 propose “une méditation d’un artiste engagé avec le monde, qui n’est pas isolé dans son studio, qui réagit, assimile et témoigne du temps que nous vivons”, résume le directeur artistique du musée de Serralves, Philippe Vergne. Son titre, “Agora”, référence à l’espace de débat public de la Grèce antique, joue sur le double sens d’un mot qui, en portugais, veut aussi dire “maintenant”.

Konbini arts avec AFP

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