C’est en 2016 que Nadia Bijarch se met à la photographie “en suivant des cours du soir”. Très vite, elle se lance dans la photo de rue, “lors d’un voyage à New York”, et se rend compte du pouvoir de sa passion. Depuis, Nadia Bijarch voit la photo comme un outil lui permettant de partager sa “vision du monde”.
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Ce monde, c’est notamment les banlieues, puisqu’elle y a grandi (dans le quartier du Val-Nord, à Argenteuil, dans le Val-d’Oise) et s’y est particulièrement intéressée “lors des émeutes de 2005”. “C’est à cette période que j’ai réellement pris conscience des fractures sociales et spatiales qui existent au sein des territoires et des enjeux qui s’y rattachent”, nous raconte-t-elle.
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Voyant que “le traitement médiatique des banlieues est rarement en leur faveur”, la photographe s’est décidée à y ajouter son regard, celui d’une personne concernée. “Je ne sais pas s’il y a une évolution, […] mais je me dis que gommer ces frontières invisibles qui peuvent exister au sein des villes et dans certains esprits, c’est déjà un bon début. C’est ce que je tente de faire avec mon travail photographique.”
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Un travail “loin des préjugés”
Plus que les banlieues, Nadia Bijarch cherche “avant tout à mettre en lumière des territoires marginalisés et les gens qui y vivent, loin des préjugés qui façonnent et nourrissent l’imaginaire populaire”. C’est pour cela qu’en 2018, lors d’un stage photographique à Arles pendant lequel elle devait “réaliser une série en ville”, l’artiste préfère sortir du centre, au contraire des autres participant·e·s.
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“J’ai tapé dans Google ‘quartier à éviter à Arles’ et le quartier de Griffeuille est apparu dans les résultats. Je m’y suis donc rendue et j’y ai fait deux belles rencontres bien distinctes : celles de Raymond et d’Edmond. J’ai suivi leur quotidien pendant quelques jours, ce qui a donné une série de portraits croisés.”
Du Sud à l’Île-de-France, Nadia Bijarch travaille de la même manière, au gré de “balades et de rencontres fortuites”. “Je laisse mes sujets s’exprimer, dans le sens où je ne leur demande pas de poser devant l’objectif. Pour moi, la photographie de rue est avant tout le reflet d’un quotidien, d’une réalité.”
Un dialogue constant
Afin de donner accès à ce quotidien au plus grand nombre et de laisser une place au public, elle rend ses photos intemporelles grâce au noir et blanc : “J’aime l’idée qu’on ne sache pas, à première vue, où et quand mes clichés ont été pris. […] Quand une personne regarde l’une de mes photos, elle peut imaginer l’histoire qu’il y a derrière. Un peu comme si son regard se substituait au mien.”
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Dans ses images, l’artiste trouve le moyen de faire cohabiter son public, ses modèles et elle-même, qui “communique avec les yeux”. “Quand je prends une photo, j’ai l’impression d’exprimer qui je suis mais aussi de me découvrir en même temps. C’est une sorte de dialogue intérieur en extérieur. On ne me voit pas sur les photos, mais on devine un peu qui je suis, l’émotion qui planait au moment où j’ai appuyé sur le déclencheur, la confiance et la générosité qui m’ont été offertes.”
C’est sans doute pour cette liberté d’expression et de réception que Nadia Bijarch a choisi le médium photographique : “En photographiant, je fais parler ce silence qui ne dure qu’une fraction de seconde et qui, je pense, en dit beaucoup.” La photographie de rue, jamais posée, lui permet d’“étudier l’évolution de la société, des modes de vie, des architectures ou encore des inégalités urbaines”. Des traces visuelles nécessaires – surtout lorsqu’elles sont nombreuses et plurielles.
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L’exposition de Nadia Bijarch, “La banlieue en noir et blanc”, est à voir au Centre culturel Joseph Kessel de Villepinte jusqu’au 19 novembre 2022.